Chaque époque traduit, résume ses aspirations et ses hantises à travers quelques personnages symboliques. Aujourd’hui, l’immigré est l’un de ces personnages. À la fois fasciné par l’apparence quelque peu clinquante de la société de consommation et malheureux de son déracinement, prêt aux plus durs sacrifices pour devenir membre à part entière du monde développé et, au même moment, obsédé par sa dignité abîmée et son village natal, l’immigré nous dit, le plus souvent avec une politesse humble, parfois avec violence, que ses inquiétudes sont les nôtres. Son soleil perdu, son existence écrasée, sa préférence obstinée pour la solidarité même si elle ne se manifeste que dans la misère et la saleté, tout cela est nôtre, d’autant plus nôtre que nous refusons évidemment de regarder en face ces vérités trop élémentaires et cependant les plus fortes.

La France a toujours accueilli les étrangers, quels qu’ils soient. Toutefois, au cours des dernières années, le problème de l’immigration a acquis une dimension différente. Jusqu’à une période récente, les étrangers en France soit étaient des exilés politiques, soit appartenaient à un nombre réduit de nationalités : Italiens, Polonais, recrutés pour des travaux précis. L’afflux désordonné a bouleversé ces données et fait de l’immigration une question qui concerne l’organisation intime et le fonctionnement quotidien de notre société.

L’immigration, un problème de société

En 1975, les étrangers sont plus de 4 millions en France et représentent près de 8 % de la population. En 1966, ils étaient environ 3 millions, soit 6 % de la population.