Billet – Le vacillement du château de cartes
Les chocs géopolitiques qui se sont succédé en 2014 produisent leurs effets qui désormais entrent en résonance et font système. Ainsi, des conventions admises, des accords antiques, des alliances établies et des croyances partagées laissent apparaître de soudaines fragilités. Le château de cartes des a priori et des certitudes se met à vaciller. Rien ne dit qu’il tombera, rien ne garantit non plus qu’il résistera.
L’Europe, tiraillée entre Brexit et Grexit, entre mouvements indépendantistes, nationalistes ou anti-européens de tout poil, laisse voir que son technocratisme bien tempéré a du mal avec les peuples. Les Grecs affirment leur souveraineté, quitte à abandonner l’euro, quand les Britanniques se dirigent inéluctablement vers la sortie de l’Europe. L’Allemagne réduit sa politique à son excédent commercial quand la Hongrie ou la Bulgarie s’abandonnent qui à la revanche sur l’histoire, qui à la faillite de l’État sous addiction de corruption.
Au Moyen-Orient, les États-Unis perdent leurs alliances sans en trouver de nouvelles. Les négociations avec l’Iran avancent péniblement, l’Arabie Saoudite se fâche et veut punir l’Amérique et devenir un hegemon régional, ici en baissant les prix du pétrole, là en menant une guerre au Yémen, tandis que les constructions étatiques vieilles d’un siècle périssent dans les guerres civiles et les déplacements de population. Dans le même temps, Bibi se croit républicain et passe son temps à trouver de nouvelles façons d’humilier Obama.
Ailleurs, les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) brillent moins par leur émergence économique que par leur refus du système international existant. Ils clament le retour à l’ordre westphalien et affirment, par tous les moyens, la prééminence de l’intérêt national. La Russie roule des muscles nucléaires et militaires, la Chine pèse sur l’ordre économique et monétaire, l’Afrique se réveille en silence.
Dans le même temps, le monde arabo-musulman secoue un ordre étatique vieux d’un siècle, remettant en cause les frontières, posant la question de l’islam politique, transformant mille minorités en autant d’apirations nationales qui sont le seul gage perçu de sécurité, sans que « la communauté internationale » n'ait une quelconque idée à proposer.
Le plus frappant n’est donc pas l’intensité des crises mais leur simultanéité. Le monde connu est en train d’accoucher d’autre chose et cela ne se passe pas sans cris et tétanies, douleurs et tremblements. Car une fois le château de cartes écroulé, on ramasse les plis et on recommence à jouer. Y sommes-nous bien prêts ?