Hillary Clinton de A à Z
Hillary Clinton de A à Z
Un abécédaire intelligent, rafraîchissant et remarquablement documenté qui se picore au gré des envies et permet de mieux percevoir les enjeux de la prochaine élection présidentielle américaine. Cet ouvrage grand public, préfacé avec talent par Christine Ockrent, fait mouche. Grâce à un livre solidement étayé qui s’appuie sur de très nombreux entretiens, François Clemenceau, rédacteur en chef international au Journal du Dimanche, nous fait découvrir, en cent mots-clés, les multiples facettes d’Hillary Clinton dont tout indique qu’elle pourrait être la prochaine candidate démocrate à l’élection présidentielle de 2016.
L’auteur connaît bien la vie politique américaine pour avoir côtoyé les corridors de la Maison-Blanche lorsqu’il était correspondant d’Europe 1 à Washington, de 2003 à 2010. Il en avait tiré deux essais parus en 2009 (Vivre avec les Américains, L’Archipel) et en 2013 (Le clan Obama – Les anges gardiens de Chicago, Riveneuve), il avait traduit et préfacé chez Grasset l’ouvrage de Barack Obama intitulé La race en Amérique (2008).
Dans un style vif, talentueux et précis, François Clemenceau décortique la personnalité de l’ancienne First Lady (1992-2000), sénatrice de New York (2001-2008) et Secrétaire d’État (2009-2012) qui se verrait bien accéder à la magistrature suprême en 2016. Il alterne anecdotes, analyses et témoignages pour brosser un portrait tout en nuances de cette femme de pouvoir mue à la fois par une ambition dévorante et un goût réel pour l’action et le service de l’État. On y découvre une femme complexe – peut-être même complexée – animée de convictions profondes et d’une foi méthodiste militante qui a découvert les coulisses du pouvoir il y a quarante ans et qui ne les a plus quittées depuis. L’auteur évite le piège de la biographie classique pour se concentrer sur les clés essentielles qui permettent de décrypter le personnage d’Hillary Clinton, en insistant tout particulièrement sur les lieux qui l’ont marqué (Yale, Wellesley, Chicago, la Maison-Blanche, son refuge de Chappaqa), mais surtout sur les hommes et les femmes qui l’ont façonnée (ses parents, son aumônier Donald Jones, Marian Wright Edelman, Martin Luther King, Jesse Jackson, Madeleine Albright). Bien évidemment, l’autre personnage central de l’ouvrage, en ombre chinoise, reste Bill Clinton dont l’auteur souligne les multiples attributs (mari, père de sa fille, conseiller, ami) et rappelle qu’il reste « le meilleur ami » d’Hillary aujourd’hui avec laquelle il resterait lié par un pacte selon lequel chacun soutiendrait l’autre pour accéder à son tour au pouvoir suprême, de manière à mettre en œuvre une politique centriste élaborée à deux voix sur le campus de l’Université de Yale. Pour François Clemenceau, nul doute que cette politique centriste, qui a assuré le succès des deux mandats de Bill Clinton, constituera le vade-mecum du programme présidentiel d’Hillary. S’il ne se risque à aucun pronostic, il estime toutefois qu’Hillary fera campagne à gauche pour remporter les primaires, pour batailler au centre avec son adversaire républicain et gouverner ensuite de façon pragmatique en s’appuyant sur des arrangements bipartisans. Comme le souligne l’auteur, la force d’Hillary Clinton consiste à entretenir d’excellents réseaux avec le monde de la finance et les lobbies les plus actifs sur la colline du Capitole. À cet égard, les développements consacrés à la politique moyen-orientale d’Hillary Clinton, notamment vis-à-vis d’Israël, sont particulièrement éclairants. Tout comme sa posture de « démocrate-faucon » interventionniste, et son rapport ambigu à la guerre et à la communauté militaire.
François Clemenceau n’omet pas non plus d’évoquer les multiples scandales qui jalonnent le parcours fulgurant du couple Clinton, qu’il s’agisse de la prise d’intérêts dans l’affaire Whitewater, du suicide de Vince Foster ou des accusations de parjure dans les affaires Paula Jones, Gennifer Flowers et Monica Lewinsky. Il décrypte les relations complexes qu’Hillary Clinton entretient avec les médias, qu’elle haït dans leur ensemble, mais dont elle sait jouer quand cela s’avère nécessaire. Il énumère également les multiples obstacles que les adversaires du couple Clinton ne manqueront pas de soulever lors de la campagne électorale d’Hillary : les affaires passées, ses liens équivoques avec la société Wal-Mart et de nombreuses banques d’affaires, son vote en faveur de la guerre en Irak en 2003, sa gestion contestée de l’attentat de Benghazi qui coûta la vie à l’ambassadeur américain, son âge et son état de santé après son burn-out de décembre 2012. S’il dresse le portrait de la garde rapprochée d’Hillary (Huma Abedin, David Brock, Rakm Emanuel, Lissa Muscatine, Patti Solis Doyle ou Maggie Williams), l’auteur identifie également ses rivales au sein du camp démocrate, à commencer par Elizabeth Warren, une femme de sa génération qui pourrait s’avérer sa plus redoutable concurrente ou bien encore Kirsten Gillibrand, étoile montante du parti démocrate. Même si Hillary renonçait à se présenter ou était battue, tout indique qu’elle et Bill ont soigneusement préparé et mis sur orbite leur fille unique Chelsea, afin qu’elle prenne le relais de ses parents le jour venu. Comme le souligne l’auteur qui rappelle que côté républicain, le clan Bush pourrait bien ne pas avoir dit son dernier mot, la vie politique américaine semble dominée par deux dynasties familiales qui se partagent le pouvoir depuis près de trente ans. Et de conclure en pointant la désaffection profonde de la population américaine pour son système de gouvernement, rappelant un sondage récent selon lequel 13 % des sondés seulement font confiance à leurs gouvernants et leurs représentants (p. 377). Pour François Clemenceau, c’est bien là le défi majeur auquel devra s’attaquer le prochain Président des États-Unis, quel que soit son sexe. ♦