La défense française face à la montée des périls
La défense française face à la montée des périls
Pour le général Forray, la guerre n’est pas morte. Ouf ! diront les militaires, aïe ! les citoyens ordinaires. Le jugement de Raymond Aron sur l’illustre prédécesseur lui convient assez bien : « Clausewitz ne s’interroge pas plus sur l’existence de la guerre que le théologien sur l’existence de Dieu » (1). Ceci dit, qui est important, ne constitue pas la thèse de l’auteur, que voici : « la défense de la France n’est pas assurée en l’état ; un effort est nécessaire ; il est possible ». Suit la démonstration, en trois chapitres, les périls (mot préféré à « menaces »), les enseignements stratégiques à en déduire, la réponse française.
Les périls ne sont peut-être pas aussi nombreux que l’auteur les voudrait. C’est le « déséquilibre » qui l’inquiète, démographique, économique, stratégique. Le dernier, qui nous concerne directement, nous militaires, recouvre un vaste éventail, de la prolifération nucléaire à la guerre spatiale, chimique, bactériologique. Voici pourtant la vraie menace : le terrorisme islamique. Le général eût pu nommer plus clairement l’ennemi, qui est le nôtre depuis le VIIe siècle : l’islam. Ennemi certes, mais c’est d’un choc de culture qu’il s’agit.
Le dernier chapitre, « La défense de la France », est le plus précis. Il s’appuie sur notre dernier Livre blanc (2013) et sur la Loi de programmation qui s’en déduit. Le général se montre très sévère, ce à quoi l’autorise sa longue expérience comme les postes éminents qu’il a occupés. Au reste, sa sévérité n’est que parler-vrai, forme d’expression si rare aujourd’hui qu’elle a tôt fait de passer pour provocation. Nos capacités diminuent quand les périls augmentent. La LPM en cours (2014-2019) dévoile d’inquiétantes dérives, contrats avec des « sociétés de projet » (sic), déflation d’effectifs et carrières courtes, programmes incertains, dont celui de « nos » porte-avions. Le général conclut : 20 milliards de plus sont nécessaires. Dernier signe d’alerte, la « civilianisation » de l’administration centrale militaire. La commission du Livre blanc reflète cette tendance. En 2007, sur 35 membres elle ne comptait que 5 généraux… dont aucun des chefs d’état-major, et il fallut attendre 2013 pour que ceux-ci y figurent !
La démonstration du général pourrait paraître abstraite. Elle ne l’est pas. Revient sans cesse sous sa plume la primauté de l’homme. Si les bons sentiments font de la mauvaise littérature, ils sont nécessaires en stratégie. ♦
(1) Raymond Aron : Penser la guerre, Clausewitz, T I ; Gallimard, 1976.