La baleine dans tous ses états
La baleine dans tous ses états
« Avoir fait campagne baleinière, c’est plus que d’avoir fait la guerre ». Ainsi parle le capitaine Lacroix, expert et témoin des derniers temps de la marine à voiles. François Garde est aussi un expert, es-baleines comme son titre l’indique. Il administra cinq ans les îles Kerguelen et quelques autres îlots perdus dans le Grand Sud de l’océan Indien. Excellent écrivain, il nous dit tout de la baleine, du moins ce qu’on en peut savoir et qui n’est pas le tout de ce monstre marin, si loin et si proche de nous.
Son rire nous est devenu proverbial, en dépit des misères que nous lui avons faites. La couverture du livre représente un cachalot dentu, espèce aussi peu aimable que l’orque, cousin indigne de la famille. Mais tout est affaire d’échelle et la douce baleine avale tout de même chaque jour quelque 40 millions de crevettes, anonymement regroupées sous le nom discret de plancton. Il n’en faut pas moins pour nourrir ses 150 tonnes, masse prodigieuse que cette lourde nageuse propulse, quand elle est en verve, à 28 nœuds. Taillée pour la course maritime, si elle s’échoue – ce qui arrive qu’elle fasse, pense-t-on, volontairement – elle meurt d’asphyxie, ses poumons n’étant plus aidés par la pression marine. Sa chasse, ainsi dite par opposition à la pêche qui se fait à l’aveugle, est une épopée, superbement chantée par Melville et on ne comprend pas qu’au chapitre 21, l’auteur dise tant de mal de Moby Dick. On sait que nos Basques, à partir de Bayonne, y excellèrent. D’où vient la baïonnette, outil destiné à donner le coup de grâce à leurs proies et qui eut ensuite la fortune que l’on sait. Il y a dans ce livre un second personnage, Jonas, bouffé… par un cachalot. Faisons la paix : qui n’a rêvé de se faire baleine et de participer aux migrations matrimoniales, de l’Antarctique aux tropiques ? ♦