Billet – Obama le stratège
Comment juger la politique étrangère d’Obama ? Beaucoup se sont gaussés de l’attribution d’un Prix Nobel de la paix dès le début de son premier mandat, alors qu’il n’avait encore rien prouvé. Maintenant que le deuxième mandat approche de son terme, il est possible de dresser un premier bilan. Or, sans être atlantiste, je constate qu’il est plutôt positif et que Barack Obama a mis en œuvre une vraie stratégie. Certes, elle doit composer avec plusieurs facteurs adverses, notamment à l’intérieur : entre l’opposition Républicaine et l’inertie du complexe militaro-industriel, il est parfois ardu de comprendre la stratégie américaine.
Malgré ces difficultés, Obama a réussi à conduire une stratégie, ce qui est en soi un succès. Précisons qu’il s’agit d’une ligne constante, fixée tôt et assidûment poursuivie à travers les obstacles de toute sorte. Il fut élu une première fois pour sortir d’Irak, une seconde pour sortir d’Afghanistan. À chaque fois, le but est atteint ou quasiment achevé. Certes, l’Irak fait face à de multiples problèmes et la responsabilité américaine y a sa part mais convenons qu’elle date de l’intervention de 2003 et surtout de la mauvaise gestion de l’immédiate après-guerre qui s’ensuivit. En Afghanistan, après le surge, Obama réussit à conduire un retrait qui n’est pas trop désavantageux.
La grande option est celle du pivotement vers l’Asie qui demeure la ligne directrice centrale de la politique extérieure. On notera ensuite de nouvelles façons d’aborder les choses : plus d’action indirecte (forces spéciales, drones, cyber, proxies…), moins d’engagement direct (leadership from behind, refus de frappes contre la Syrie). Enfin, de façon typiquement américaine, le choix d’une révolution politico-économique, celle du facteur cyber, explique aussi bien le soutien aux grandes entreprises du secteur, le développement de la NSA, le refus de toute excuse sur la question (cynique pour les Européens, justifié pour les Américains). Obama veut maintenir la puissance américaine en la transformant.
Enfin, constatons deux mouvements majeurs qui resteront dans l’histoire : la signature d’un accord avec l’Iran, ce qui aura pour effet de changer réellement les règles du jeu au Moyen-Orient, de façon plus efficace que les illusions des neo-cons ; et l’accord avec Cuba qui là aussi modifie les blocages constatés dans l’Amérique latine. Deux ennemis anciens peuvent devenir des partenaires. Ajoutons quelques grands discours : celui de Prague sur les armes nucléaires (pas très convaincant, avouons-le), celui du Caire envers le monde musulman, celui surtout de West Point (quand on a un gros marteau, tout problème n’est pas forcément un clou).
Incontestablement, le résultat est à la hauteur des ambitions. ♦