Les accords SALT : contenu – application – contrôle
Cet ouvrage est le résultat d’une étude de cinq ans, faite par les deux auteurs, mari et femme, tous les deux juristes de métier, qui se sont plongés à corps perdu dans une documentation extrêmement abondante et qui ont interrogé bon nombre des experts et des acteurs politiques, essentiellement américains, ayant participé de près ou de loin à cette affaire des SALT (Accord de limitation des armements stratégiques) dont on peut fixer l’origine à mars 1968. La lecture de ce livre est ardue, du fait de son caractère très analytique qui amène assez souvent des répétitions, et par l’abondance des citations en langue anglaise qui oblige à une fréquente gymnastique bilingue, les traductions étant souvent renvoyées en notes en bas de page (elles sont d’ailleurs excellentes).
Malgré ces remarques, ce travail est particulièrement intéressant par la richesse de sa documentation qui en fait un livre de référence sur beaucoup de points dont nombre débordent largement le sujet proprement dit de la limitation des armements stratégiques offensifs ou défensifs. Dans la deuxième partie, celle qui concerne l’application des traités et accords, les auteurs font une étude du droit constitutionnel américain qui ouvre des horizons sur les rapports du législatif et de l’exécutif aux États-Unis et diminue l’admiration qu’il est convenu de porter à ce système depuis Tocqueville. Nous découvrons également des choses auxquelles nous n’avions pas prêté attention : par exemple, la notion de coexistence pacifique est incluse dans la Constitution soviétique, ce qui ne peut avoir que valeur de propagande. Apparaît souvent l’importance de la Convention de Vienne sur le droit des traités, qui est peu connue en dehors des spécialistes, juristes ou diplomates.
C’est pour le traité ABM (Anti-Ballistic Missile) que l’ouvrage paraît apporter le plus de renseignements ayant des conséquences pour l’avenir. C’est un traité permanent, donc voté à la majorité des deux tiers par le Sénat, et toujours en vigueur. On sait qu’il en existe actuellement deux interprétations opposant le sénateur démocrate Sam Nunn au président Reagan. Il semble que les auteurs donnent plutôt raison à Reagan, mais Sam Nunn s’appuie sur les déclarations du gouvernement américain qui ont entraîné la ratification. Ce sont des arguments ayant peu de valeur juridique, mais une certaine valeur morale. Il nous est également apporté des informations sur la commission consultative permanente prévue sur le traité ABM et sur les questions dont elle a eu à débattre. Des annexes nous donnent les textes des traités et accords, dont la déclaration du 27 mai 1972 sur les principes fondant les relations entre États-Unis et Union soviétique qui ne figure pas dans le recueil publié en 1982 par l’Agence américaine pour l’arms control et le désarmement (ACDA).
Paul Warnke, ancien assistant secretary of Defence de 1967 à 1969, ancien directeur de l’ACDA et négociateur de SALT II, a donné sa caution à l’ouvrage par un avant-propos, la préface étant du doyen Colliard.
Un champ très large est ouvert à notre réflexion sur le sujet, toujours difficile, de la maîtrise des armements, au moment où il tient le devant de l’actualité. Certes les problèmes politiques et moraux ont une place aussi importante que les problèmes juridiques, mais des accords internationaux bien « ficelés » évitent bien des désagréments. L’expérience des SALT peut être fort utile dans ce domaine.