Iran-Irak, les vérités inavouées
Le 22 septembre 1986, le conflit Irak-Iran a franchi sa sixième année d’existence et nul ne voit, à la lumière de l’intensification actuelle, son issue, même si le président du parlement iranien Rafsandjani lui a assigné un terme pour mars 1987. Wafik Raouf, écrivain irakien, auteur du « Nouveau regard sur le nationalisme arabe », livre ici, en un bref, mais dense opuscule, quelques-unes des réflexions qui sont celles en cours en Irak : on ne s’étonnera donc pas qu’elles fournissent une vision unilatérale.
Il se livre, tout d’abord, à un raccourci historique des relations entre les deux pays, n’hésitant pas à déceler une volonté iranienne constante de ravir à l’Irak ses dix-huit kilomètres de côtes qui lui ouvrent l’accès au Golfe. Pour lui, l’Iran souffre d’un sentiment de persécution, provenant d’une impression d’être pris à la gorge au Nord, et qui l’entraîne vers une compensation stratégique et psychologique au Sud. Puis prenant quelque envol, l’auteur en vient à analyser la stratégie américano-israélienne commune dans l’Orient arabe, qui se trouverait à l’arrière-plan du conflit en cours : elle vise selon lui un objectif très précis, à savoir empêcher toute émergence de l’une des trois forces principales qui sont les nerfs du Machrek : l’Égypte, l’Irak, la Syrie. D’où la satisfaction non dissimulée d’Israël de voir l’Irak diminué du fait de ce conflit. Quant à l’Iran, son attitude semble s’expliquer aisément pour Wafik Raouf : il cherche à la fois à préserver le régime khomeyniste en poursuivant cette guerre, à exporter sa révolution et apporter au monde arabe une nouvelle idéologie. Voilà pourquoi Téhéran s’obstine à poursuivre le conflit. Face à une telle obstination, l’Irak est paré de bien des vertus. Ce dernier bastion arabe, « Grenade du vingtième-siècle » (p. 91), affronte non seulement l’Iran mais aussi se heurte aux pays arabes qu’il classe en « Arabes de la complicité, de l’opportunisme ou de l’attentisme ». Comment s’étonner, dans ce cas, du jugement de l’auteur sur l’issue du conflit ?
La guerre prendra fin, conclut-il, « mais l’Irak est déjà victorieux ; victoire modeste, peut-être, mais victoire de sa ténacité éternelle » (p. 100). On ne s’étonnera pas dans ces conditions que la guerre Irak-Iran soit aussi et surtout le produit et l’effet d’une formidable incompréhension, pour le moins, entre ces deux voisins. Mais on le sait, les ennemis héréditaires, savent aussi un jour se réconcilier.