Volontaire
Émile-René Guéguen, chef de guerre exceptionnel, raconte ses campagnes. L’expression n’est ici rien moins que péjorative. Dans les temps que nous vivons, où nos troupes sont engagées dans des « missions de paix » et la pensée militaire – arme nucléaire oblige – appliquée à l’imaginaire, ces campagnes-là, très réelles, valent qu’on en parle et qu’on les médite. S’il est juste que les perspectives de la dissuasion fassent l’objet de doctes études, il est tout aussi nécessaire mais plus difficile que les soldats de notre Armée se préparent sans relâche à l’action militaire concrète, quoi qu’on en pense et quoi qu’il arrive. À cette préparation ingrate la lecture du livre de Guéguen aidera. Elle ne sera pas inutile non plus aux stratèges de l’impossible.
Guéguen a participé en maître à trois campagnes qu’il relate sous trois titres personnalisés : le chleuh ou la campagne de France (l’appellation des Allemands de l’époque nous dépayse… ou nous « repayse »), le viet ou la guerre d’Indochine, le fell ou l’Algérie. Trois combats exemplaires ponctuent ces trois campagnes. Au « combat des trente », comme dit l’auteur féru de bretonneries moyenâgeuses, sa section, sur la poche de Lorient en décembre 1944, repousse sans la moindre perte les assauts d’un bataillon allemand. À Nghia Lô en octobre 1951, la compagnie Guéguen du 8e BPC (Bataillon de parachutiste de choc), courant au secours du 2e BEP (Bataillon étranger parachutiste) méchamment engagé, tombe dans une embuscade meurtrière (1). À la fin d’avril 1958 à la bataille de Souk Ahras, le 9e RCP (Régiment de chasseurs parachutistes) se taille la part du lion dans l’anéantissement de deux bataillons au débouché du barrage tunisien.
Au récit de ces combats les jeunes cadres comprendront mieux que l’action militaire, avant d’être glorieuse, est ouvrage de professionnel. Le succès va aux artisans consciencieux, pour peu qu’ils soient « volontaires ». Ce qui n’empêche pas les sentiments, ni la « rigolade » ! On verra aussi l’autorité des médiocres soumise à l’épreuve de vérité. Peut-être jugera-t-on que tout réussit trop bien à ce « bougre » de Guéguen : les brouillards du combat lui sont transparents et jamais il ne se trompe. Renseignements pris à bonne source, c’est la vérité vraie !
(1) Le Borgne cité à la 2e partie, commandant le 8e BPC après la malheureuse affaire de Nghia Lô, n’est pas l’auteur de ces lignes, mais son frère.