Les empires et la puissance, la géopolitique d’aujourd’hui
Dans cet ouvrage traduit de l’allemand (l’édition originale a été publiée en 1979-1980 sous le titre : Mut zur Macht), l’auteur, qui fut officier général de l’armée autrichienne, présente une mise à jour de la situation géopolitique actuelle du monde, envisagée d’un point de vue continental et européen. Il montre que le propre des grands empires est de « posséder le sens de l’espace », seule grandeur stable dans l’équation de la politique mondiale ; il s’interroge sur la puissance dont il établit la relation fondamentale : puissance = force intrinsèque x situation géographique, et qui peut se manifester par l’expansion territoriale, mais aussi par l’hégémonie de la langue.
Cependant, la politique a le pas sur la géopolitique, laquelle conditionne la stratégie ; mais cette dernière, si brillantes que soient ses victoires, ne peut racheter durablement les erreurs ou les insuffisances de la politique. Et de citer le cas de l’Angleterre, puissance mondiale de 1815 à 1945, dont il considère qu’elle a mené contre l’Allemagne, lors du 2nd conflit mondial, une politique suicidaire, responsable de la chute de son empire : mais la démonstration de l’auteur est affaiblie par le fait qu’il semble ignorer l’impérialisme totalitaire de l’Allemagne nazie et la force des mouvements de décolonisation.
Plusieurs chapitres sont ensuite consacrés aux principaux aspects géopolitiques de l’histoire de l’Europe. Sont ainsi étudiées : la communauté d’espace des royaumes francs (issus du partage de l’empire carolingien) ; celle du bassin danubien, berceau de l’empire austro-hongrois ; la communauté d’espace baltique, où la région à l’Est de l’Elbe forme une zone de transition entre l’Europe occidentale et la masse du continent eurasiatique ; l’entité eurasienne, centrée sur l’URSS.
Enfin, un chapitre est consacré à la ligne Oder-Neisse, qui sépare la Pologne de la République démocratique allemande, et à l’est de laquelle de nombreux mouvements de populations, allemandes en particulier, furent effectués dès 1945. L’auteur analyse l’importance stratégique de cette frontière qui constitue une des difficultés que rencontre l’Europe occidentale dans ses tentatives de former une puissance d’envergure mondiale.
Le dernier chapitre analyse, suivant les critères de la géopolitique, le jeu des superpuissances : États-Unis et URSS. Ceux-là ont pris le relais de l’Angleterre comme première puissance maritime et possèdent tous les avantages d’une île : ils ne peuvent être attaqués par voie terrestre, tandis qu’ils peuvent intervenir sur le Vieux continent tout en gardant la possibilité de s’en retirer. L’URSS a pris la place de l’Allemagne en tant que 1re puissance continentale. Enserrée entre l’Arctique, l’Europe de l’Ouest et le sous-continent indien, sans accès aux mers chaudes, sa politique tendra à briser cet « encerclement ».
Pris, à l’instar du Tiers-Monde, dans cette confrontation entre superpuissances, les Européens ne sauraient envisager leur avenir sans tenir compte des données géopolitiques.
En conclusion, cet intéressant ouvrage démontre l’importance de la géopolitique ; celle-ci apporte, en effet, les grandes orientations, mais elle ne peut, à elle seule, définir complètement les politiques à suivre dans des situations déterminées, car elle n’intègre pas tous les paramètres des problèmes.