La France et la sécurité européenne
David Yost n’est pas inconnu des lecteurs de notre revue : il y a écrit, en octobre 1982, un article sur la « maîtrise des armements ». Son livre, traduction d’une 1re publication faite à l’IISS (International Institute for Strategic Studies) de Londres, a un double mérite. Il nous présente d’abord une remarquable analyse de la stratégie française, doctrine et moyens ; il nous propose ensuite une interprétation personnelle de cette stratégie, de ses qualités et de ses faiblesses. Fort bien étayé et toujours mesuré, le jugement qu’il porte est révélateur des incompréhensions qui opposent non seulement Français et Anglo-Saxons, mais aussi chez nous et pour reprendre les catégories de l’auteur, tenants de l’« école nationale » et « révisionnistes ».
Ces divergences sont le reflet d’une sorte de dos-à-dos. Placés sur la pente de la crise, Français et « Otaniens » observent son déroulement potentiel. Les Français jugent inacceptable de voir la crise tourner en guerre ; du coup, échafaudant une stratégie strictement dissuasive, ils prétendent rester en amont du déclenchement. Les stratèges atlantistes, à l’inverse, se placent en aval et préparent la bataille réelle ; essayant d’y insérer la stratégie française, qui ne s’y prête pas, ils ont tôt fait de la ridiculiser, au mieux de la juger hypocrite.
Mais Yost fait preuve d’une bienveillance méritoire. Il reconnaît l’efficacité de notre hypocrisie, qui se ménage un sanctuaire à l’abri de l’Otan. Il regrette même que notre discrétion prive les Alliés d’une réflexion stratégique particulièrement riche ; a contrario, il se félicite de la clarté des positions de notre pays en matière d’Arms Control. Au demeurant il ne voit, l’arme nucléaire étant ce qu’elle est, aucune possibilité de changement pour notre stratégie ambiguë : c’est avouer qu’elle n’est pas sotte !