La construction de l’Europe
En ces temps de difficultés marquées par l’Europe, il est bon de prendre quelque recul. L’aventure européenne est bien longue déjà. Elle a traversé bien des péripéties. Elle a à son actif nombre de réalisations. L’Europe dans ses spécificités est cet acteur à la recherche d’un rôle. Pierre Gerbet est un témoin attentif de la construction européenne depuis plus de deux décennies. Il en a observé toutes les phases, disséqué tous les plans, analysé toutes les crises.
Près d’un demi-millier de pages ne sont point de trop pour embrasser dans son ensemble cette histoire européenne contemporaine, celle de sa tentative d’unification, du projet d’union franco-britannique de juin 1940, presque aux élections européennes de juin 1984. Bien sûr, Pierre Gerbet remonte bien loin et évoque l’âge d’or, pour l’Europe tout au moins, de la chrétienté médiévale, l’équilibre européen et présente les principaux précurseurs de l’idée européenne.
Mais l’essentiel débute en 1945 à la fin de la guerre. L’Europe relevée de ses ruines va tenter de s’unir, à la fois pour assurer sa reconstruction et son développement, empêcher le retour des conflits fratricides, répondre à la menace soviétique et s’assurer une place et un rôle dans le monde. Pierre Gerbet passe en revue l’état des opinions européennes, la politique des gouvernements, la coopération économique, politique, parlementaire et militaire. Il ne néglige ni la coopération industrielle, ni l’action sociale et décrit, année par année, période par période, la croissance de cet édifice européen toujours sur le chantier.
Il est difficile de résumer ces quelque quarante années de notre histoire, comme périlleux d’analyser les causes de bien d’occasions manquées. Avec lucidité et prudence, comme pour ne pas décevoir un espoir toujours en éveil, il conclut avec sagesse sur cette « Europe inachevée ». On connaît bien l’acquis communautaire, le premier espace commercial du monde, reposant sur 3 piliers (Union douanière, politique agricole commune et système monétaire européen). Si l’Europe existe, s’il s’est constitué une entité supérieure, avec des valeurs démocratiques communes, des institutions propres, une solidarité réelle, la liste des insuffisances serait trop longue à énumérer. Peut-être l’échec le plus patent a-t-il été cette incapacité à créer un véritable pouvoir européen qu’a évoqué Gaston Thorn, Président de la Commission européenne, en parlant de « l’incapacité structurelle de décision » des gouvernements à agir sur le plan européen. Qui en disconviendra et s’inscrira en faux contre cette constatation peu encourageante que la situation de l’Europe dans le monde s’est dégradée au cours des dix dernières années ?