Politik in Israel, Entwicklung und Struktur des politischen Systems
Professeur d’histoire contemporaine et de relations internationales à l’École supérieure de la Bundeswehr, le Dr Michael Wolffsohn est un spécialiste des problèmes politiques du Proche-Orient ; entre diverses contributions à des périodiques spécialisés, il assure depuis 1980, pour le Middle East Contemporary Survey (New York - Londres, Holmes & Meier) une chronique annuelle d’une irréprochable précision, sur « la Communauté européenne et le Moyen-Orient » ; et il vient de publier, dans la collection des « Écrits du Deutscher Orient-Institute », cet ouvrage considérable, dont nous ne pourrons donner ici qu’un aperçu très sommaire.
Développement, structure et fonctionnement du système politique israélien sont exposés, par le Dr Wolffsohn, avec méthode, rigueur et minutie. La très abondante documentation utilisée est mise en œuvre selon un plan progressant de l’analyse à la synthèse, mais dont la logique n’est pas immédiatement sensible : I. Développement organique et idéologie des partis ; II. Influence des différentes générations politiques sur ce développement ; III. Cadres juridiques, contenus et structures caractéristiques des partis ; IV. Le système des partis comme fonction du système électoral ; V. Israël est-il une « démocratie de concordance » ? ; VI. Procédures de décision dans les partis, « par eux et entre eux ». Le phénomène caractéristique des partis religieux est traité dans I, II et III, les institutions religieuses apparaissent en V. Les sabras, Israéliens nés sur place, sont envisagés en II, les Arabes d’Israël en II et III, les militaires dans la politique en V. D’excellents index permettent cependant de résoudre toute difficulté.
Une érudition encyclopédique, un souci documentaire scrupuleux, une objectivité aussi ferme que possible, donnent à cette somme de sûres assises ; un discret humour l’allège parfois. Tableaux et diagrammes, très nombreux, aident le lecteur à pénétrer plus avant dans le dédale des partis et à suivre la fluctuation des opinions.
L’auteur se présente loyalement comme étant un ami d’Israël, ne serait-ce qu’en raison de son origine, mais non pas un ennemi des Arabes. Il traite d’ailleurs de l’État d’Israël, et non spécifiquement du conflit arabo-israélien, ni par conséquent du régime et du destin des territoires « occupés/conquis/libérés/administrés, selon le point de vue duquel on se place » (p. 78, p. 269, etc.). Toutefois ces problèmes, finalement évoqués dans la conclusion (p. 731-740), réapparaissent déjà lorsqu’il s’agit de caractériser « Colombes et Faucons » dans la politique israélienne (p. 244-278) ; ce chapitre comporte de très intéressantes indications sur les conceptions israéliennes des frontières de l’État (références bibliques, p. 244, et motifs pour lesquels la Déclaration d’Indépendance n’a pas défini ces frontières, p. 244 et 249), sur les prises de position des dirigeants israéliens à l’égard des Palestiniens (Ariel Sharon s’est, en décembre 1976, déclaré disposé à conférer avec l’OLP – Organisation de libération de la Palestine – p. 269), et d’une façon plus générale sur la multiplication des tendances et des nuances par dessus la trame déjà très variée et parfois changeante des partis. L’abondance et la précision des opinions individuelles recensées par catégories, dans les tableaux 39 à 42, fait apparaître à quel point Israël est, si l’on peut dire, « techniquement » occidental : aucun État arabe ne saurait en effet donner lieu à des dénombrements de cette sorte.
Ce sont donc, il est bon de le souligner, les mécanismes de la vie politique d’Israël qui sont étudiés ici, et non pas, en tant que tels, les événements ; ceux-ci n’apparaissent dans l’exposé qu’épisodiquement et à titre d’exemples, et sont donc traités de manière très brève, mais avec une visible volonté d’équilibre et d’impartialité. C’est ainsi qu’est sommairement évoquée la « prise d’assaut » (Eroberung) de Deir Yassine, 9 avril 1948, par les formations Ezel et Lehi (p. 79), une note (18, p. 175) relevant que certains auteurs voient dans cette action un Oradour ou un Mylaï israélien, tandis que d’autres, parmi lesquels Menahem Bégin, donnant un avis différent ; on peut toutefois regretter qu’en l’occurrence ne soit pas pris en compte le témoignage d’un membre de la Croix Rouge suisse, Jacques de Reynier, 1948 à Jérusalem, La Baconière, Neuchâtel, 1969 ; mais la bibliographie du volume comprend bien peu d’ouvrages en langue française.
On notera encore, par exemple, qu’à propos d’un drame ancien, mais qui eut d’importantes conséquences pour l’évolution politique du sionisme, l’assassinat de Haïm Ariosoroff, l’auteur a le scrupule d’insérer dans son texte (p. 388-389) une allusion à un ouvrage très récent, non inclus dans sa copieuse bibliographie, qui renouvelle les éléments du débat.
Cependant, pour un événement politique très connu, et qui même à l’étranger eut grand retentissement, comme l’affaire Lavon (1954-1965), l’auteur se borne à rappeler qu’il s’est agi « d’une action manquée des services secrets israéliens au Caire » (p. 516) ; et il renvoie (p. 92), pour son exposé complet, à 2 ouvrages en hébreu, donc peu accessibles pour la plupart des lecteurs occidentaux ; en revanche, les conséquences de l’affaire dans la vie politique d’Israël sont soigneusement décrites (p. 92 s., 391, 445, 516, 729, note 14) ; ceci est bien dans la ligne de cette étude, qui ne constitue pas une histoire politique d’Israël, mais une description du fonctionnement de sa vie publique.
Ainsi conçu, l’ouvrage du Dr Wolffsohn constitue, pour l’observateur de la vie politique israélienne, un très efficace instrument de travail. Par exemple, lorsqu’en mars 1984 la coalition gouvernementale israélienne fut disloquée par la sécession du petit parti Tami, sous l’impulsion de l’ancien ministre Aaron Abouhatzera, il suffisait de consulter le double index « personnes » et « matières », ainsi que les tableaux des résultats électoraux de 1981, pour avoir toutes les informations nécessaires sur ces nouveaux protagonistes, alors à peu près ignorés en Europe, de la vie politique israélienne. De même, qui se demanderait « pourquoi Israël n’est-il pas devenu un régime prétorien ? » (p. 504), et souhaiterait s’informer du déroulement des carrières militaires en Israël et de l’orientation politique des officiers, trouverait là une abondante source d’informations et de réflexion.
Ce n’est que tout à la fin du volume que, se départissant enfin de la rigidité documentaire et de la rigoureuse froideur qu’il s’était imposées, le Dr Wolffsohn s’engage dans un examen très personnel des 10 grands problèmes politiques dont il discerne l’urgence en Israël. Il pose alors, en matière de conclusion, quelques interrogations passionnées : « Comment peut-on gagner des idéalistes, sans attirer des fanatiques ? Comment, sans idéalisme, va-t-on enthousiasmer des indifférents ? Comment peut-on, s’adressant à des gens de l’extérieur, les persuader de la valeur de son modèle, quand on se divise au sujet de la forme que ce modèle revêtira dans l’avenir, et quand on ne sait pas quelles seront, selon la géographie, l’idéologie et les institutions, les frontières ? Comment peut-on organiser une défense préventive, sans devenir agresseur, et comment mener des guerres, sans commettre des crimes de guerre ? Problème sur problème, pour un pays qui, certes, n’est pas pauvre en problèmes » (p. 739). Ces lignes font espérer qu’après cet inestimable somme documentaire, le Dr Wolffsohn nous offrira un bref et percutant essai politique.