Les inspections générales ministérielles dans l’administration française
Cet important ouvrage est d’autant plus intéressant qu’il n’existait pas de livre sur l’ensemble du sujet. L’auteur indique qu’il a dû compléter les renseignements tirés d’une bibliographie assez peu fournie, par des informations recueillies auprès des inspections générales, qui (sauf une semble-t-il) se sont révélées coopérantes.
La fonction d’inspection et de contrôle est née de la nécessité d’informer directement, en dehors de la voie hiérarchique existante, les détenteurs d’un pouvoir, dès que le groupe social où s’exerce ce pouvoir atteint une certaine dimension et une certaine complexité. Cet aspect, que souligne François Goguel dans sa préface, est bien mis en valeur par l’auteur. En se limitant aux inspections générales (s’exerçant sur l’ensemble du ministère) et ministérielles (relevant du ministre), il en dénombre actuellement 22. Notons au passage qu’il retient les inspections de l’administration mais exclut les inspections techniques ou spécifiques à un sous-ensemble. Par exemple, il ne traite pas des inspections générales d’armée qui existent au ministère de la Défense.
L’ouvrage retrace d’abord la mise en place des inspections générales. Bien que certaines aient des racines historiques fort ancienne (inspection des finances, contrôle de la Marine, par exemple), c’est sous la IIIe République que se développent les grands corps d’inspection, parallèlement à la croissance des services de l’administration. On peut rappeler quelques dates : 1882 : loi sur le contrôle de l’administration de l’armée ; 1887 et 1901 textes sur l’inspection des colonies ; 1902 loi sur le contrôle de la Marine ; 1891-1901 décrets sur l’Inspection générale au ministère de l’Intérieur… Après 1945 les inspections se multiplient et se modifient pour s’adapter à la structure administrative.
La 2e partie traite des organes d’inspection, en les classant en 4 catégories, selon leur « spécificité » décroissante. L’auteur estime que la spécificité est maximum lorsque le corps se recrute hors de l’administration à inspecter, par concours, et fournit une carrière distincte. Ces caractéristiques lui paraissent offrir la plus grande garantie d’indépendance. Il reconnaît cependant que d’autres considérations, comme celle de l’aptitude à contrôler une administration particulière, peuvent conduire à des conceptions différentes. Il classe ainsi l’Inspection générale des Finances avec deux autres (Sécurité sociale et Intérieur) parmi les inspections à spécificité maximum. Le Contrôle général des armées vient ensuite, dans les inspections à spécificité élevée, car il se distingue des précédentes en recrutant essentiellement à l’intérieur du ministère. Mais la plupart des ministères se sont dotés d’inspections qui ne se recrutent pas par concours. Ils peuvent soit offrir une carrière spécifique à leurs membres (Industrie, Santé, Économie, Anciens combattants), soit ne pas l’offrir et ils apparaissent alors comme une émanation de l’administration active (14 ministères).
Enfin la 3e partie passe en revue les fonctions d’inspection générale. On y examine notamment les variétés du contrôle, ses difficultés, ses modalités. En particulier l’auteur procède à d’intéressantes analyses sur les relations entre contrôleurs et contrôlés, l’exercice des pouvoirs des uns face aux réticences des autres.
La réflexion comparative sur les inspections conduit à s’interroger : ce type de contrôle est-il une spécialité française ? Si la RFA ignore les inspections ministérielles, il existe chez les Britanniques des services d’audit interne par ministère. De façon générale les pays anglo-saxons connaissent un large développement de l’audit interne tant dans les administrations que dans les grandes entreprises.
En conclusion, ce gros livre issu d’une thèse de doctorat d’État, présente de grands mérites : c’est une série de renseignements très complète sur les corps de contrôle, leur historique, leurs méthodes, leurs statuts ; mais c’est aussi une discussion théorique et pratique sur le fonctionnement de l’administration française à travers ses principaux ministères. Son seul défaut est sans doute d’être trop long pour le lecteur pressé. C’est en tout cas un ouvrage de référence. ♦