World Armaments and Disarmaments – SIPRI Yearbook 1983
Comme chaque année à pareille époque, l’Institut international de Stockholm pour les recherches sur la paix (SIPRI) publie son étude annuelle sur les problèmes mondiaux d’armement et de désarmement. Cet ouvrage assez volumineux cherche à faire un point précis sur l’état de la technique dans les différents domaines tout autant que sur les mouvements pacifistes ou les essais de maîtrise des armements, en faisant appel à un grand nombre d’auteurs différents (près d’une trentaine).
Il est difficile d’analyser un travail aussi complet mais on peut décrire rapidement le contenu. Dans une introduction d’une trentaine de pages M. Frank Blackaby fait un tableau rapide de la situation qui suit approximativement le plan du livre. Dans une 1re partie sont exposés la course aux armements nucléaires mais aussi les problèmes posés par l’existence des forces nucléaires françaises et britanniques, les changements qui se sont produits au point de vue de la non-prolifération, et enfin les récents mouvements pacifistes dans les différents pays occidentaux. Il en est conclu qu’il n’est plus possible de prendre des décisions en secret, car les opinions publiques sont maintenant très alertées sur les débats en cours.
La 2e partie du livre est une étude des armements mondiaux classiques. Entremêlés, on trouve des chapitres traitant de problèmes économiques et financiers (dépenses de défense, production de matériels militaires, recherche et développement, prix de ces matériels, commerce des armes en particulier celui de la France qui a droit à un chapitre spécial mettant en évidence les facteurs économiques) et des chapitres traitant de problèmes techniques : missiles antichars, armes chimiques et biologiques, utilisation militaire de l’Espace. Il apparaît que les dépenses mondiales d’armement s’accélèrent mais que ce phénomène est essentiellement dû au renversement de tendance qui s’est produit aux États-Unis depuis 1979. Par contre l’Europe et l’Afrique stagnent. Le SIPRI arrive pour 1982 à une estimation de 700 à 750 milliards de dollars comme total des dépenses militaires mondiales. Le problème majeur est celui du calcul des dépenses militaires, en particulier dans les pays de l’Est. Pour les armes antichars, le SIPRI conclut que, pour des raisons à la fois techniques et financières, ces armes semblent devoir l’emporter sur les chars. Dans la mesure où elles peuvent être considérées comme défensives, elles peuvent rendre moins probable l’action massive des blindés et faire penser que l’arme à neutrons n’est pas nécessaire.
La 3e partie est une étude régionale de l’Amérique latine qui est consacrée à peu près entièrement au conflit des Falklands/Malouines. Une curieuse querelle est faite aux Britanniques soupçonnés d’avoir violé le Traité de Tlatelolco en ayant utilisé un sous-marin à propulsion nucléaire et surtout d’avoir eu des grenades nucléaires anti-sous-marines sur leurs escorteurs. Les Britanniques se sont bien gardés de répondre. Il est ensuite signalé les dépenses d’armement d’autres pays d’Amérique latine. En particulier le Brésil aurait l’intention de construire une base dans l’île de Trinidade située à 750 milles des côtes brésiliennes, au sud-ouest de Ascension.
La 4e partie concerne la maîtrise des armements et traite successivement de la 2e session spéciale de l’Organisation des nations unies (ONU) sur le désarmement, des efforts d’arms control aux Nations unies et au comité sur le désarmement, de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE), des accords multilatéraux et de l’action des organisations non-gouvernementales à l’ONU. Il semble qu’en définitive ces organisations aient eu fort peu d’influence.
En définitive, ce livre est comme d’habitude plein de renseignements sur tous ordres dont un grand nombre sous forme de tableaux. Les textes sont fort intéressants à lire même quand on est loin de partager les opinions exprimées ou quand on désapprouve la forme adoptée pour présenter un sujet. Il est ainsi flagrant que la position française sur les armements nucléaires stratégiques est déformée. La politique de défense française est en effet celle d’une dissuasion minimum qui recherche la « suffisance » en matière nucléaire sans pouvoir aller plus loin sous peine de pénaliser gravement les armements conventionnels. Il n’est donc pas possible d’engager une négociation où on admettrait une réduction de nos forces nucléaires qui enlèverait tout sens à celles-ci en les abaissant au-dessous du seuil de cette suffisance. Il est également discutable de parler d’une augmentation « rapide » des dépenses pour les armes nucléaires tactiques. Certes, il y a eu, en crédits de paiement, une augmentation de 100 %, mais les sommes dépensées (1,4 Mds de F) restent faibles par rapport aux sommes prévues pour les forces stratégiques (17,8 Mds) et pour l’ensemble du titre V (14,8 Mds pour l’Armée de terre, 12 Mds pour la Marine, 15,5 Mds pour l’Armée de l’air). ♦