China, the Soviet union, and the West-strategic and political dimensions in the 1980’s
Fruit de la conférence sur l’aspect militaire des relations sino-soviétiques, tenue en mai 1980 à Garmish (RFA), cet ouvrage tente de répondre à une question que William T. Tow pose ainsi dans sa préface : après dix années d’alignement sur le modèle soviétique, en 1960 la Chine rompt avec Moscou pour échapper à son contrôle ; en 1969 elle sort de son isolement international et renoue avec les États-Unis d’Amérique en réponse à la menace soviétique. Elle fera de Moscou, son pire ennemi, pendant toutes les années 1970. Quel sera le jeu politique chinois dans les années 1980 ?
Dans cette perspective, Douglas T. Stuart et William T. Tow (respectivement directeur et maître-assistant de l’École des relations internationales à l’USC de Munich) ont recueilli les analyses des principaux experts occidentaux sur les questions chinoises et soviétiques autour des quatre thèmes suivants : les facteurs déterminant la politique extérieure chinoise et soviétique ; la dimension militaire du conflit sino-soviétique ; les rivalités régionales entre Pékin et Moscou ; conséquences politiques et stratégiques pour les pays occidentaux.
Dans la première partie, Harold Hinton nous entraîne à travers l’histoire des relations entre la Chine populaire et l’Union soviétique, Jürgen Domes ouvre ensuite le débat et souligne que la série de conflits internes au parti communiste chinois depuis la Conférence de Lushan en 1958 a été un facteur important dans la détermination de la politique chinoise à l’égard de Moscou. Aujourd’hui, l’objectif prioritaire des « quatre modernisations » défini par Zhou Enlai en 1975 détermine toutes les orientations de la politique chinoise. Il limite et oriente à la fois la stratégie extérieure de la Chine. L’idéologie n’est donc plus qu’une simple variable dans le développement des relations sino-soviétiques. Depuis la mort de Mao Zedong le conflit idéologique des années 1960 a fait place au conflit d’intérêts, c’est ce qui ressort de l’article de Richard Löwenthal.
Dans la deuxième partie, plusieurs articles abordent de façons différentes la question de l’équilibre stratégique entre l’URSS et les États-Unis, compte tenu des objectifs de puissance de la République populaire de Chine (RPC). Kenneth Hunt analyse la dynamique du rapport de force militaire sino-soviétique. Il fait preuve d’une grande circonspection dans l’approche du développement de la puissance militaire chinoise.
Compte tenu de l’évolution technologique constante des deux superpuissances, il apparaît en effet invraisemblable qu’au cours des prochaines années la Chine ait les moyens de rivaliser sur le plan militaire avec les deux grands. Chacune des études comparatives des forces militaires chinoises et soviétiques met en évidence la faiblesse chinoise, faiblesse matérielle tant sur le plan quantitatif que qualitatif, mais aussi faiblesse doctrinale. Les divers scénarios d’une attaque soviétique en Chine, étudiés par William Green et David Yort, montrent combien il serait difficile pour la Chine de répondre à des initiatives destinées à neutraliser la résistance chinoise lors d’un conflit. Dans ce débat passionné, William T. Tow tente, par une approche modérée, de montrer que même une modernisation rapide de l’appareil militaire chinois ne pourrait supplanter la doctrine maoïste de la guerre populaire. Mais en dépit de l’infériorité militaire de la Chine, l’incertitude de ses choix stratégiques contraint l’URSS à renforcer son système défensif à l’est de son territoire et laisse les plus grands stratèges occidentaux dans l’expectative.
La troisième partie de cet ouvrage évalue les rivalités régionales entre Chinois et Soviétiques, et analyse comment cette compétition peut affecter la sécurité internationale. La faiblesse de ses moyens économiques et militaires contraint la Chine à concentrer ses efforts près de ses frontières. Son attachement traditionnel à l’Asie a été renforcé par l’intérêt qu’y ont porté les Soviétiques depuis le milieu des années 1970. Thomas W. Robinson analyse dans quelles mesures la rivalité sino-soviétique risque d’être intensifiée ces prochaines années par le heurt des intérêts d’ordre économique entre ces deux pays dans cette région. Par ailleurs, la Chine essaie d’étendre son influence dans le Tiers-Monde où elle dispose d’un capital de sympathies qu’elle peut développer. Mais face aux transferts massifs d’armements soviétiques dans certains pays en développement, la Chine ne peut que poursuivre une diplomatie du langage en respect de ses principes d’indépendance des peuples et de coopération. La rivalité sino-soviétique en Europe de l’Ouest est plus importante dans la mesure où elle peut devenir la principale pierre d’achoppement de l’entente des pays de l’Alliance atlantique si les États-Unis continuent à encourager les pays d’Europe occidentale à soutenir Pékin dans sa campagne anti-soviétique. C’est ce qu’analyse Douglas T. Stuart qui montre que, sur le théâtre européen, Moscou bénéficie d’une meilleure audience que Pékin à cause des échanges commerciaux beaucoup plus développés entre l’Europe de l’Ouest et le COMECON (Conseil d’aide économique mutuelle) qu’avec la Chine, mais aussi du fait que l’URSS peut seule restaurer une atmosphère de guerre froide, ce qui n’est pas le cas de la RPC.
Aujourd’hui, en établissant une sorte d’équidistance entre Washington et Moscou, au moment où le dialogue se tend entre les deux grands, la Chine se donne la possibilité d’évoluer vers l’un ou l’autre et d’exploiter leur rivalité. Dans le contexte, quelle politique les États-Unis doivent-ils adopter ? Telle est la question à laquelle se propose de répondre la quatrième partie de cet ouvrage.
Drew Middleton présente les données actuelles de la stratégie américaine en rappelant la dégradation progressive de la détente dans les années 1970 et l’évolution parallèle en faveur de la « carte Chine ». Selon l’analyse de William Kennedy, l’avancée soviétique au Moyen-Orient ne peut être contrebalancée que par le renforcement de la présence américaine dans le Pacifique, et par conséquent, son désengagement relatif en Europe. Sans accorder trop d’importance au rôle de la politique stratégique chinoise, Edward Luttwak met en garde les États-Unis contre un éventuel rapprochement ou un conflit armé sino-soviétique qui auraient dans les deux cas de graves implications stratégiques pour les pays occidentaux. L’article de Johnson D. Pollack (relations sino-soviétiques dans une perspective stratégique) constitue une excellente conclusion tant par la richesse des analyses des récents développements intervenus entre la RPC et l’URSS, que par sa remise en question du triangle stratégique. Ne s’agit-il pas davantage d’un rapport de force à trois au sein duquel s’exercent des relations bilatérales ? La question reste posée.
Voilà un ouvrage bien structuré dont la diversité est synonyme de richesse. L’intérêt majeur de ce recueil d’articles est de réunir en un volume les principaux aspects d’un sujet très complexe. Il constitue par conséquent un outil de travail et de réflexion indispensable pour les personnes qui s’intéressent à l’évolution des relations entre les deux géants communistes et aux répercussions qui pourraient en résulter pour le monde occidental. ♦