Un Balcon à Pékin. Le nouveau pouvoir en Chines
Correspondant du Monde dans la capitale chinoise, durant près de cinq années, Alain Jacob a suivi jour par jour l’évolution politique depuis la mort de Mao Tsé-toung. Pour tout observateur étranger le jeu politique chinois restera largement empreint d’énigme, d’où l’image, doublement vraie du balcon d’où l’on observe avec distanciation mais sentiment d’étrangeté impalpable. Son récit s’appuie principalement sur les textes de référence, presse ou œuvres doctrinales qui paraissent l’intermédiaire obligé pour décoder le jeu des personnalités ou des tendances.
Cette ascension irrésistible de Deng Xiaoping ponctuée par quelques retours en arrière, cet accent mis sur les « quatre modernisations » cet accent de libéralisme vite muselé à l’automne 1979, cette ouverture sur l’extérieur, au double plan économique et politique, on les perçoit mieux, on les mesure mieux sous l’angle spatial et temporel. Et finalement l’émergence d’une direction que l’on qualifierait chez nous de « centriste » ou de « pragmatique » en la personne de Zhao Ziyang ou Hu Yaobang apparaît l’issue naturelle de ces cinq années de remise en cause ou d’interrogations (1976-1980).
Ce qui frappe à la lecture de ce témoignage précieux, c’est la véritable quantité d’énergie employée par l’élite politique pour se justifier, se placer ou s’emparer des commandes ou imprimer son élan à la société et à l’économie. N’est-ce pas là un début d’explication au demi-sommeil de Pékin sur la scène internationale depuis la moitié des années 1970 en dehors des problèmes la touchant de façon quasi physique (URSS, Vietnam…).
Mais l’essentiel est cette prise de conscience par l’actuelle classe au pouvoir de l’immensité de la tâche à accomplir pour résister au poids d’une réalité démographique, sociale, mentale si pesante. Cette nécessité du changement de méthodes, car les années sont comptées, et peut-être la véritable énigme chinoise que nous livre Alain Jacob. Faute d’une fuite en avant impossible avec une telle densité de population écartant les mirages d’une économie à la japonaise dont les traits séducteurs laissent rêveur, la Chine doit accomplir en moins d’une génération une véritable mutation. Le peut-elle ? C’est pourtant là le véritable mandat du ciel. ♦