La civilisation européenne (n° 1872), La coexistence pacifique (n° 1895), Le pacte de Varsovie (n° 1974)
Notre collaborateur Claude Delmas a publié depuis un an, dans la collection « Que sais-je ? », trois petits volumes qui méritent d’être signalés à l’attention de nos lecteurs.
Dans le premier ouvrage, sur La civilisation européenne, l’auteur a voulu montrer que les tensions du monde mettent en question des conceptions éthiques qui sont inséparables des systèmes de valeurs par lesquels se définissent les collectivités humaines. Mais peut-on parler de civilisation européenne ? Il y a toujours eu plusieurs Europes. D’ailleurs Jacob Burckhardt définissait la culture européenne comme une et diverse. On y retrouve les sentiments de l’histoire et l’on constate que cette Europe a été, en permanence, le théâtre d’idées et d’idéaux opposés, aucune tendance n’arrivant à établir définitivement sa domination. En même temps, ces idées se répandaient dans le monde entier, jusqu’au jour où elle est devenue elle-même un enjeu entre les deux superpuissances. Elle reste cependant le foyer du libéralisme. Les Européens ont pris conscience d’avoir en commun un certain nombre de valeurs qui méritaient d’être sauvegardées et concrétisées. Mais qu’est-ce que la civilisation ? L’ouvrage aurait peut-être gagné à commencer par une définition plus précise de ce terme.
En étudiant la « coexistence pacifique », Claude Delmas traite d’un sujet qui déborde largement l’Europe, car il s’agit d’abord de la confrontation entre les deux superpuissances. Il montre d’abord quelle est la nature de la société internationale, composée d’États souverains qui peuvent recourir à la violence, faisant droit aux égoïsmes nationaux tout en aspirant à l’unité. Ceux des États qui sont fondés sur des principes très voisins arrivent facilement à vivre ensemble pacifiquement. C’est plus difficile quand il s’agit du monde libéral et du monde totalitaire. Les Occidentaux cherchent à assurer leur survie et la paix ; l’Union soviétique, de son côté, a retrouvé la vieille théorie de la guerre « juste », celle qui correspond à son idéologie. Claude Delmas décrit alors le processus historique qui a mené à la coexistence pacifique depuis 1945. Il montre ensuite quelle est la conception soviétique des relations internationales, marquée par le déterminisme marxiste et faisant de l’économie son mécanisme fondamental. L’Union soviétique n’est pas un État comme les autres, la Coexistence pacifique n’étant que la non-guerre, liée à l’équilibre des forces, où se continue la lutte entre capitalisme et socialisme. Ceci suppose le maintien de la discipline dans le camp socialiste, des actions menées en Europe et hors d’Europe, en particulier en Afrique. En 1979, Brezinski constate qu’il y a rupture dans l’équilibre des forces. Les Soviétiques en profitent pour chercher à dissocier l’Alliance atlantique et finlandiser l’Europe. La Conférence d’Helsinki (1975) ne fait qu’illustrer les ambiguïtés et les limites de cette coexistence pacifique.
L’étude que fait Claude Delmas du pacte de Varsovie est essentiellement politique et historique, l’analyse des forces étant réduite à deux courts tableaux comparant les forces des deux alliances situées en Europe. L’auteur montre d’abord que le Pacte possède une structure moulée sur la notion de « souveraineté limitée ». Il est l’aboutissement, en 1955, d’un processus engagé dès la fin de la Seconde Guerre mondiale et correspondant au souci soviétique de se ménager des sphères d’influence et des États-tampons. Le pacte de Varsovie a d’abord été une réaction contre le traité de Washington, mais il a été doublé par tout un ensemble d’accords bilatéraux. Il vise en fait à l’homogénéité du « camp socialiste ». Les notions d’agression indirecte et de danger contre-révolutionnaire ont entraîné les interventions soviétiques de Hongrie et de Tchécoslovaquie. L’auteur termine par un exposé sur les accords d’Helsinki, mais la valeur actuelle du pacte de Varsovie réside dans sa supériorité militaire sur l’Otan et l’importance qu’il prendrait dans une négociation SALT III, mais on doit se rappeler qu’il est essentiellement monté pour faciliter l’évolution du mouvement communiste.
On voit donc que ces trois ouvrages portent sur des sujets assez différents, mais ils se recoupent mutuellement et constituent une intéressante base de documentation. ♦