Forces et enjeux dans les relations internationales
Dans cet ouvrage Marcel Merle, professeur au département de science politique à l’Université de Paris 1, a rassemblé 28 articles qu’il a publiés dans diverses revues telles que la Revue de droit contemporain, Recherches et Débats, Défense Nationale, Politique étrangère, Pouvoirs, etc. ou qui sont le texte de conférences. La grande majorité a paru après 1976.
Il est très difficile de rendre compte d’un ensemble aussi divers, que l’auteur a réparti en 6 rubriques : le concept des relations internationales, le droit aux prises avec les faits, le système international, les jeux de la politique, la force et la richesse, le rôle des croyances et des idées. Cette énumération permet de voir le champ très vaste qui est ainsi couvert et dont le professeur Marcel Merle nous donne lui-même les fils conducteurs dès son introduction. Le premier est sa conviction que « l’éclairage de la science politique est celui qui procure la vision la plus large et la plus compréhensive de la complexité des événements internationaux ». Ce fil ne serait cependant rien sans le second : « celui qui s’efforce d’établir un rapport permanent entre l’idéal et le réel ou, si l’on préfère, entre la norme et le constat… Pour un politologue, le problème n’est pas tant de savoir s’il faut établir la justice et la paix, mais chercher comment concilier les deux et, surtout, de découvrir comment il est possible de passer d’une forme de société à une autre sans déclencher des catastrophes, dont les premières victimes seraient sans doute ceux-là même dont on entend assurer le salut ».
Ce dernier souci est majeur dans l’œuvre de Marcel Merle et, quand on le connaît un peu personnellement, dans toute sa démarche intellectuelle qui nous rapproche de la dialectique de l’éthique de responsabilité face à l’éthique de conviction, chère à Max Weber. Elle apparaît dans tous les chapitres, même ceux qui pourront paraître très techniques et n’intéresser que des spécialistes. Ils contiennent tous une leçon de portée universelle. Par exemple, un article qui touche à la géopolitique et à la géostratégie, est celui qui a été publié en 1977 dans la revue Projets sur « la clôture de l’espace et le système international ». Actuellement, on n’insiste pas assez sur un phénomène relativement nouveau : il n’y a plus d’espace à conquérir, il n’y a plus de « possibilités illimitées d’exploration et d’exploitation ». Le système dominé par l’Europe qui « fonctionnait… dans un environnement peu structuré qui servait à la fois de vase d’expansion et de volant régulateur aux relations entre les acteurs », n’existe plus. Nous constatons une inégale occupation de l’espace et nous devons nous accommoder de ressources limitées. Dans ce système clos, les tensions ne s’exportent pas. La compétition s’exaspère et les interactions sont multipliées. Marcel Merle conclut : « Si l’hypothèse retenue avait eu pour effet de convaincre les réalistes et les utopistes qu’un effort de volonté est à la fois possible et nécessaire pour rompre les entraînements qui conduisent le système de l’utopie à l’implosion, la démarche n’aurait pas été entreprise en vain. Seule une visée politique susceptible de s’inscrire dans le temps permettra de vaincre les contraintes de plus en plus fortes qui viennent de l’espace ».
Cet article n’est qu’un exemple des domaines abordés dans ce livre très intéressant et très varié, qui aborde tout autant les problèmes économiques et sociaux que les problèmes politiques. Peut-on d’ailleurs les considérer séparément ? ♦