Le Mali
Cet excellent petit livre, œuvre d’un spécialiste de l’Afrique occidentale, est une monographie très claire et très précise sur un pays qui, sous le nom de Soudan, ancienne partie de la fédération d’Afrique occidentale – l’AOF – évoque pour nous les noms de René Caillé, Samory, Faidherbe, Galliéni, Gouraud, Joffre. Grand deux fois comme la France, avec ses 6 millions d’habitants, le Mali, transition entre le désert et la forêt, est situé à la charnière du monde arabo-berbère et du monde négro-africain.
Ses réalités actuelles, encore marquées par la forte personnalité de Modibo Keita, sont le résultat d’une double fédération, d’une part le Mali précolonial allant de l’empire du Ghana au royaume de Ségou qui a vu le réveil de l’Islam, d’autre part l’appartenance à l’empire français, de 1895 à 1946, prolongée par l’Union française et la Communauté jusqu’à l’indépendance, le 17 juin 1959.
M. Philippe Decraene nous fait traverser cette histoire qui se continue par la Fédération du Mali, vite interrompue, puis par une vie propre, avec Modibo Keita jusqu’en 1968, avec le régime militaire de Moussa Traoré ensuite. M. Decraene nous donne aussi le bilan économique, social, culturel et religieux de ces vingt dernières années. Ce pays sahélien, isolé de la mer, grenier à vivres de l’AOF, a subi la médiocre gestion des sociétés d’État du régime socialiste d’avant 1968, puis les effets de la grande sécheresse de 1972, 1973, 1974, opérant, depuis, un redressement important dans la production. La situation commerciale, obérée par le prix du pétrole, est cependant mauvaise avec un fort déficit de balance des paiements. Des traditions vivaces marquent la vie culturelle fondée sur le clan et le village, avec un enseignement remontant aux medersas de l’époque médiévale mais fortement développé par le colonisateur et activement poursuivi depuis l’indépendance. La langue française reste la langue officielle dans un pays qui connaît six grandes familles linguistiques et qui est divisé en une branche blanche (Maures, Touaregs, Peuhl) et une branche noire, en majorité de la grande famille mandingue. S’il reste un fort noyau animiste et un petit groupe chrétien, la majorité de la population appartient à un Islam confrérique, Tijanya, Qadriya, Hamallisme.
Le Mali cherche sa voie entre le non-alignement, le progressisme africain et les liens avec la France. Il a certainement des difficultés intérieures propres aux pays du Sahel, même s’il a échappé à l’éclatement qui s’est produit au Tchad. Le caractère militaire du régime paraît s’estomper. Les dernières informations sur l’Afrique occidentale permettent cependant de se demander si M. Decraene, malgré l’objectivité dont il fait preuve dans tout l’ouvrage, n’a pas une vue un peu trop optimiste de l’avenir économique d’une région qui possède finalement peu de ressources industrielles et minières. ♦