Souvenirs du commandant Parquin
L’époque est déjà lointaine où tout ce qui avait trait à l’épopée impériale – récits, recueils d’anecdotes, souvenirs, mémoires, recherches savantes, etc. – passionnaient indifféremment jeunes, adultes et vieux dans notre pays. Quelle est la vieille demeure française qui ne contienne dans sa bibliothèque des rayons entiers où s’alignent des volumes, presque toujours soigneusement reliés, consacrés au Consulat et à l’Empire : Thiers, Henry Houssaye, Louis Madelin, général Marbot, capitaine Coignet et tant d’autres ? Ils sont aujourd’hui bien souvent recouverts de poussière et c’est vraiment dommage ! La présente réédition des Souvenirs du commandant Parquin, nous rappelle opportunément que cet oubli nous prive d’un très réel plaisir.
Denys Charles Parquin s’est engagé en 1803, à 16 ans, au 20e Chasseurs à cheval. Sa carrière n’a rien eu d’exceptionnel, puisqu’il n’avait pas dépassé en 1815 le grade de commandant et n’était que chevalier de la Légion d’Honneur, tout en ayant servi aux armées sans la moindre interruption et aux endroits les plus « chauds » (Dieu sait que ceux-ci ne manquaient pas !). L’intérêt de ses souvenirs tient pour une large part au fait qu’il est presque toujours resté dans la troupe. Son optique est celle d’un combattant « de la base », comme on dirait aujourd’hui, et c’est la vie quotidienne à ce niveau qui le préoccupe au premier chef – la sienne et celle de son entourage. Il raconte les choses très simplement comme il les a vues, sans porter de jugement de valeur et sans spéculer pour décider si telle action ou tel épisode pouvait être qualifié de glorieux ou n’avait été que banal. Ainsi nous révèle-t-il avec beaucoup de justesse et de mesure les tonalités dominantes dans l’existence, au jour le jour, d’un soldat de l’Empire. Toute exagération, et toute hâblerie sont bannies de son récit, comme en est également bannie toute fausse modestie. Parquin est parfaitement à l’aise dans sa peau !
La présentation de l’ouvrage par Jacques Jourquin contribue beaucoup à le mettre en valeur. D’abord parce qu’il s’est attaché à restituer le texte intégral – savoureux et spontané – de Parquin, texte qui, dans les éditions précédentes du XIXe siècle, avait été altéré, tronqué et édulcoré, par un risible souci de pudibonderie, semble-t-il. Ensuite en raison de l’appareil critique dont il accompagne ce texte. Et enfin, parce que Jacques Jourquin nous propose une suite aux souvenirs de Parquin (qui se terminent à l’abdication de l’empereur à Fontainebleau) sous forme d’une recherche extrêmement fouillée et documentée sur la biographie de son héros de 1814 à 1845 (date de sa mort à la prison de Doullens). Cette période de la vie de Parquin bien que moins aventureuse et pittoresque que la précédente, n’en fut pas moins assez agitée du fait de sa participation à différents complots ourdis en faveur de Louis-Napoléon Bonaparte, complots dont les circonstances, souvent assez embrouillées, sont mal connues du grand public. À leur connaissance, Jacques Jourquin apporte une contribution qui est celle d’un historien accompli.
Tout cela se résout en un ouvrage à la fois distrayant et instructif, très attachant de bout en bout. ♦