L’adieu à l’île
Valentin Raspoutine est né à Oust-Oud, sur l’Angara, en Sibérie. En Union soviétique, son œuvre, romans et nouvelles, a un succès immense. Peut-être est-ce, entre autres, parce que dans le cœur de beaucoup de Russes, la Sibérie occupe une place à part. L’auteur est un écrivain « de l’intérieur » et son roman nous apporte une vision différente mais complémentaire de celle des dissidents. Elle mérite tout autant notre attention. Elle nous conduit dans un univers qui nous semble proche, par la profondeur des sentiments de détresse ou d’angoisse des villageois, devant la fuite du temps, l’inévitable disparition d’un monde traditionnel, et par une admirable sensibilité aux plus subtils changements de la nature sibérienne.
Ce roman à succès nous raconte les derniers jours d’un village sibérien que l’eau d’un barrage nouvellement construit va bientôt submerger, emportant en même temps les multiples aspects d’un style de vie cher aux plus anciens, tandis que les plus jeunes « courent en avant en se cassant la tête » vers les nouvelles constructions collectives ou sur les grands chantiers. Les mots d’ordre officiels et conventionnels sont absents du roman de Valentin Raspoutine. Bien plus, au-delà de l’expression poétique perce bien souvent l’ironie, légère mais bien présente, sur les vaines démarches des autorités, plus généralement sur le côté dérisoire de l’activité humaine face au temps. Mais, par-dessus tout, l’auteur semble nous confier son désarroi devant les choses qui passent et que l’homme, dans sa fébrile quête du progrès technique, dépasse sans se retourner… même en Sibérie. ♦