La bataille de l’Yser
Jean Mabire s’est fait une spécialité du récit historique ou, plus exactement, d’une de ses variétés, celle qui se propose d’exalter des faits d’armes, individuels ou collectifs. Sur chaque sujet choisi, il compulse de nombreux ouvrages et quelques documents. Puis il laisse libre cours à son imagination dont les ressources sont considérables. Il décrit les situations comme s’il les avait vécues lui-même. Il se « met dans la peau » des personnages, des héros, comme des figurants.
Il les fait parler entre eux dans le style direct et coloré propre aux braves combattants ; il devine leurs pensées secrètes ; il souffre de leurs blessures, comme s’il les avait reçues lui-même ; il a faim, soif, froid en même temps qu’eux ; leurs tristesses et leurs joies sont les siennes. Ainsi, et puisqu’il a en outre beaucoup de métier, acquis à la fois comme journaliste et comme écrivain, il réussit à nous offrir des livres vivants et alertes, qui laissent la place voulue au suspense, et qui ne risquent de choquer que des historiens très sérieux et scrupuleux. Mais si ceux-ci se rebiffent, c’est tant pis pour eux, car ils se trompent d’adresse.
La bataille de l’Yser en l’automne de 1914 a certainement été un des épisodes les plus dramatiques de ce qu’on a appelé la course à la mer. Les combats autour de Dixmude, où devait s’illustrer, aux côtés des troupes belges et sénégalaises, la célèbre brigade de fusiliers marins de l’amiral Ronarc’h, ont d’autant plus frappé les imaginations qu’ils se sont déroulés, pour la première fois au cours de la campagne, dans des conditions météorologiques épouvantables, sur un terrain fangeux gorgé de l’eau des inondations et avec un soutien d’artillerie tout à fait insuffisant. Les marins de Ronarc’h, à peine aguerris et peu préparés à l’épreuve qui les attendait, firent des prodiges. Les pertes subies furent considérables, mais les Allemands bien qu’ayant pris Dixmude, ne purent jamais dépasser l’Yser.
Il y avait bien là un sujet de choix pour notre écrivain. Nul ne lui tiendra rigueur d’en avoir un peu rajouté. L’intention en tout cas, est excellente, à une époque où l’on a trop tendance à oublier ce que les Français étaient capables de faire il n’y a pas encore si longtemps, par esprit de discipline et par attachement sans réserve à leur pays. ♦