La tige et le rameau. Familles anglaises et françaises, XVIe-XVIIIe siècle
La vie privée étant la base de la res publica, notre connaissance du passé ne saurait faire abstraction de la vie des familles. Le propos de l’auteur est de décrire cet aspect de l’histoire de la France et de l’Angleterre au cours des temps modernes. Par « famille », il entend aussi bien noyau familial ou ménage que lignage ou maison.
Le mariage d’abord. Au XVIe siècle encore, seule l’Église a compétence pour légiférer en une matière qui relève du droit canon et échappe au roi et à ses juges. Il s’agit d’un sacrement qui s’accompagne d’un échange indissoluble de consentements. Pas de mariage non plus sans le consentement des parents. L’institution a essentiellement pour objet le maintien de la famille. La Rochefoucauld ne disait-il pas : « Il y a de bons mariages, mais il n’y en a point de délicieux » (max. CXIII). L’épouse est juridiquement incapable et le droit d’aînesse préside à la transmission des biens. Savant mélange de prestige, de puissance et d’argent, le mariage est volontiers conçu comme un outil d’ascension sociale ainsi qu’en témoignent quelques exemples donnés au chapitre III.
Venons-en à la vie dans le mariage. La contraception et l’avortement sont condamnés, et on s’intéresse peu à l’enfance en tant que telle, peut-être parce que la mortalité infantile est considérable et qu’au surplus la vie est brève. Devant la mort, une attitude pieuse s’impose et les funérailles, volontiers solennelles, sont suivies de messes périodiques pour les défunts. Nous savons que le thème de la mort intéresse beaucoup les historiens d’aujourd’hui, et l’auteur nous donne à ce sujet d’intéressantes indications.
Parfois le noyau familial est entouré par les « cercles de famille », constitués dans certaines régions par la maisonnée polynucléaire dans laquelle plusieurs héritiers du pater familias vivent en communauté en vue de mieux exploiter le patrimoine. Autour de la famille, élargie ou non, gravite une clientèle formée de domestiques, de fidèles, de partisans ou de serviteurs.
Ce cadre, que nous schématisons à l’excès, perd de sa rigidité après 1750 car la mentalité évolue. L’idée de mariage d’amour se répand. La fécondité illimitée est de moins en moins admise et la contraception est loin d’être inconnue. L’abandon d’enfants, grâce au système du « tour », n’est pas rare. Le système éducatif se perfectionne. Quant à la maisonnée polynucléaire, elle ne sera bientôt plus qu’un fossile sociologique. De plus en plus l’administration se préoccupe des enfants abandonnés et organise orphelinats et mises en nourrice. En bref, on s’oriente vers les grands changements du XIXe siècle qui, en France, donneront au statut de la famille un caractère démocratique empêchant la reconstitution des fortunes aristocratiques.
On sait gré à l’auteur d’avoir présenté sous un jour vivant l’institution familiale du passé. Minutes des notaires, registres des paroisses, archives judiciaires lui ont permis de juxtaposer d’une façon suggestive l’histoire de deux peuples, au demeurant aussi différents dans leur vie privée que dans leur vie publique. Le livre contient une bibliographie des plus complètes. ♦