Elvire ou la guerre perdue
Ce n’est pas l’habitude de la revue Défense Nationale de présenter un roman : mais elle se doit de signaler celui-ci à ses lecteurs qui y retrouveront l’heureuse rencontre d’un talent d’écrivain captivant avec un authentique tempérament de soldat.
Avec Elvire ou la guerre perdue, qu’il signe cette fois de son propre nom, Jean-Paul Etcheverry complète par l’Indochine une trilogie dans laquelle le combattant d’Italie nous a donné La grande croisière et celui d’Algérie Annabi reviendra. Dans les trois récits, les problèmes personnels du personnage central, d’ordre sentimental, moral et philosophique, sont entrelacés avec ceux que pose à l’équipe, dont il est membre ou chef, son engagement dans les joies et les souffrances de l’action militaire. Ce sont ces entrelacs qui donnent sa saveur et son caractère à l’œuvre romanesque de l’ancien directeur des hautes études de défense nationale. Indépendamment de sa valeur littéraire, qui n’est pas du ressort de la présente note bibliographique, elle constitue, venant de l’un d’entre eux et non des moindres, un précieux témoignage sur ce qui fut pour les officiers d’une certaine époque leurs raisons de croire et parfois de douter, de se battre et toujours de se dévouer, de vivre et souvent de mourir.
Sans vergogne, l’auteur assure que « toute impression de ressemblance entre les héros du livre et des personnages réels serait pure extrapolation ». Sans hésitation, nous lui disons que nous les avons tous rencontrés sur notre chemin, que nous les reconnaissons et que c’est la raison du prix que nous attachons au récit fraternel et lucide qu’il nous fait de leur drame.
« Il est d’ailleurs bien connu, ajoute-t-il, que la guerre d’Indochine n’a pas eu lieu » : mais à le lire nous voyons bien que cette guerre « perdue » comme l’est le rêve de bonheur tissé autour d’Elvire, cette guerre « aux mobiles incertains » mais cependant aprement soutenue pour satisfaire à l’exigence de l’honneur militaire ou d’une certaine idée de la France, a marqué d’un signe indélébile la génération d’officiers dont il a été un des meilleurs. ♦