Stratèges et Norvège 1940
Avec ce livre, François Kersaudy, jeune diplômé des facultés de droit, de lettres et de l’IEP, nous offre une étude originale. Il s’attache en effet à retracer la genèse de l’opération de Norvège d’avril 1940 chez les deux protagonistes, la France et l’Angleterre d’une part, l’Allemagne d’autre part.
Une recherche de ce type pourrait sembler assez rebutante, de par son caractère minutieux et technique. En fait, il n’en est rien, même si quelques développements peuvent parfois paraître trop longs. L’auteur possède en effet un réel talent d’historien. Il démontre que l’expédition du printemps 1940 n’est pas due au hasard. Elle est au contraire le fruit des conclusions tirées par les belligérants à la suite du déroulement des opérations navales pendant la Première Guerre mondiale. Chacun estime depuis lors que la Norvège constitue une plaque tournante de la guerre maritime en Europe de l’ouest. En outre, les plans d’opérations sont replacés comme il convient dans le contexte stratégique et diplomatique de la « drôle de guerre », et l’interprétation des deux domaines est bien mise en évidence. C’est d’ailleurs cette approche qui constitue la partie la plus intéressante du livre. L’incompétence des dirigeants alliés apparaît aux yeux du lecteur à travers la succession des plans élaborés, tous plus incohérents les uns que les autres. L’auteur démonte aussi le redoutable mécanisme politico-stratégique mis en œuvre par Hitler, qui avait par exemple préparé jusqu’à la mise en place du gouvernement pro nazi de Quisling. Enfin, le dernier mérite de cet ouvrage réside dans le pouvoir d’évocation dont fait preuve l’auteur. Il sait utiliser à point nommé l’anecdote significative et rendre par là son récit captivant.
Au total, c’est là une étude dont l’intérêt déborde même les limites de son sujet. La faiblesse des dirigeants et des plans alliés face à la rigueur du plan d’opération d’Hitler préfigure en effet la conduite de la bataille chez les deux adversaires dans la future campagne de France. ♦