Les mouvements insurrectionnels de Provence entre 1596 et 1715
En soutenant sa thèse de doctorat d’État sur les mouvements insurrectionnels de Provence d’Henri IV à la Régence. René Pillorget, professeur à l’Université de Tours, a voulu montrer la nature exacte des révoltes survenues dans une province française. Cette problématique des mouvements insurrectionnels avait été clairement établie dans une polémique qui opposait l’académicien russe Boris Porchnev, aujourd’hui décédé, au professeur Roland Mousnier : ces révoltes pouvaient-elles être expliquées par le choc de deux « fronts de classe » ou bien résultaient-elles de l’opposition de groupes sociaux à l’emprise étatique ? Dans son travail de recherche, René Pillorget a renvoyé les adversaires dos à dos, pour tenter une approche personnelle des révoltes provençales. Bénéficiant d’une assise documentaire abondante, l’auteur s’est refusé à intégrer ses sources dans un schéma préconçu.
De cet ouvrage essentiellement analytique il est possible de tirer quelques conclusions. La première est que la Provence au XVIIe siècle, a connu de nombreux mouvements insurrectionnels présentant un caractère sporadique et peu dévastateur. L’auteur distingue des « périodes d’accélération et des périodes d’accalmie », tout en s’efforçant d’apprécier les degrés de gravité de ces mouvements. En fait, au terme de cette étude, il s’ensuit que la Provence n’apparaît nullement comme un pays mis à feu et à sang. Plus nombreux dans les villes que dans les villages, les mouvements insurrectionnels affectent davantage la Basse que la Haute-Provence.
Une deuxième idée à retenir de ce travail de recherche est la multiplicité des formes, et surtout des facteurs de ces soulèvements. Émeutes et rassemblements se déroulent surtout les dimanches et jours de fête, suivant par là le rythme des semaines et du calendrier liturgique, plus que le rythme saisonnier. Au-delà de la conjoncture céréalière, il faut rechercher l’origine des soulèvements dans des facteurs d’ordre politique, religieux et surtout dans le contexte international. Mettant l’accent sur l’hétérogénéité sociale des émeutiers, René Pillorget montre par là que les luttes au sein des communautés n’opposent nullement les dominés aux dominants, les pauvres aux riches, les roturiers aux nobles, mais opposent entre eux « des clans de nobles » ou « des factions de notables roturiers ». Nous sommes ici en présence de luttes politiques, émanant de clans, de factions, et non de luttes de « classes ». En effet, d’après René Pillorget, il n’existe pas de « classe » dans la Provence du XVIIe siècle. Ce sont les « corps » qui constituent les groupes sociaux.
En définitive le problème majeur de la Provence au XVIIe siècle, est celui de l’inadaptation d’une province longtemps autonome au poids de la centralisation sans cesse croissant.
On peut regretter l’absence de cartes, tableaux, textes qui auraient rendu la lecture de ce gros ouvrage plus attrayante pour le profane et son utilisation plus aisée pour le spécialiste. ♦