Les collaborateurs 1940-1945
Alors que les ouvrages et les revues de vulgarisation sur la collaboration et la seconde guerre mondiale se multiplient en raison de la fascination qu’exerce sur un certain public cette sombre page de l’histoire de l’Europe, un jeune agrégé d’histoire, Pascal Ory, maître de conférences à l’Institut d’études politiques (IEP) de Paris, tente de démystifier ce qu’il préfère appeler le « collaborationnisme ». Il souhaite distinguer de la sorte ceux qui sont restés, par la force des choses, sur le territoire occupé par l’armée allemande et ont dû dépendre de son bon vouloir, de ceux qui ont accepté de s’engager plus ou moins en faveur de l’Allemagne.
Très sérieusement documenté, très détaillé, l’ouvrage est de référence et aborde tous les aspects des contacts franco-allemands entre 1930 et 1944-1945, qu’il s’agisse de ceux qui ont été noués par de simples germanophiles, par les « Européens », les pacifistes, ou par ceux qui ont été réellement tentés par le fascisme.
Pascal Ory analyse la politique allemande (et le rôle particulier joué par Otto Abetz) aussi bien que le processus d’asservissement des esprits en France. Tous les domaines touchés par le phénomène sont étudiés (presse, syndicats, partis, activités culturelles et artistiques) avec une rigueur qui laisse peu de place, semble-t-il, à la compréhension profonde d’un phénomène social, humain autant que politique, et par lequel la plupart des pays européens ont été touchés.
L’auteur, qui bénéficie du recul de l’histoire mais qui n’a pas vécu lui-même cette période puisqu’il est né en 1948, semble oublier que les acteurs de cette histoire n’avaient, eux, aucun recul leur permettant de savoir où les menait ne serait-ce que la simple poursuite de leurs activités professionnelles (et ceci vaut en particulier pour les artistes aussi bien français qu’allemands : à leurs yeux, était-ce un crime que de continuer à chanter, à peindre, à danser… ?).
Il y a ainsi différents niveaux de collaboration à distinguer ; Pascal Ory ne manque pas de le faire, mais peut-être avec insuffisamment de netteté. Si son ouvrage n’est pas une dénonciation, loin de là, il est un reproche constant que l’on aurait aimé voir tempéré par une analyse socio-historique plus approfondie et même une comparaison dans l’espace, si ce n’est dans le temps, la collaboration, ou plutôt le « collaborationnisme » étant un phénomène commun à toutes les guerres, à toutes les conquêtes…
Ce reproche mis à part, l’ouvrage possède des qualités documentaires indiscutables et fournira un instrument de travail précieux à tous ceux que cette période intéresse ou dont les recherches concerneront ce domaine. ♦