Histoire du Parti communiste français 1920-1976
À quelques mois d’élections législatives dont on connaît l’enjeu, il est évidemment inutile de démontrer l’intérêt que présente la nouvelle édition complétée de l’ouvrage fondamental de Jacques Fauvet et Alain Duhamel sur l’histoire du parti communiste français.
On ne trouvera dans ce livre, long mais fort intéressant, ni études sociologiques détaillées ni analyses doctrinales poussées, ni rien qui ressemble à de la polémique, dans un sens ou dans l’autre. Il s’agit simplement d’une description des principaux faits de l’histoire du parti entre 1920 et 1976, description qui se veut aussi objective et honnête que possible. Et c’est dans cet esprit que les auteurs traitent certains sujets délicats, comme les relations avec l’URSS (surtout avant 1930), les exclusions, l’attitude du parti entre le pacte germano-soviétique et juin 1941, ou encore ses rapports souvent orageux avec les intellectuels. Certains seront gênés par ces chapitres, d’autres au contraire les trouveront trop peu fournis en révélations sensationnelles ; en réalité ces sujets ont dans le livre la place qui leur est due, ni plus ni moins.
À partir de ces six cents pages, quelle idée peut-on se faire du Parti communiste français ? Né d’une guerre – ou plus exactement de l’échec de la XIe Internationale face à la guerre – et d’une révolution, le PC a mis très longtemps à perdre les modes de pensée et les réflexes hérités de la situation originelle : défiance envers le milieu proche, et particulièrement envers les anciens camarades socialistes, tendance à se chercher des appuis extérieurs (l’URSS) ou aux lisières de la politique (les intellectuels), souci, enfin, d’une organisation rigoureuse, disciplinée, efficace, préférant les exclusions aux cohabitations de tendances.
Les liens spéciaux avec l’URSS vont longtemps peser sur l’image que l’on se fait des communistes, à gauche comme à droite. Ces liens ont pourtant servi le parti, en lui donnant un allié puissant et, du moins jusqu’à ces dernières années, un modèle indiscuté. L’histoire du PCF est d’ailleurs très largement celle de ses rapports avec Moscou depuis les graves désaccords de l’époque Frossard jusqu’à l’affaire Pliouchtch, en passant cependant par Maurice Thorez, célébré ajuste titre par ses camarades comme le « premier stalinien de France ». Peut-être, d’ailleurs, est-ce la déstabilisation menée par Khrouchtchev qui, par les réactions peu favorables qu’elle a parfois suscitées chez les communistes français, a redonné à ceux-ci l’idée de ne pas systématiquement approuver tout ce que Moscou pouvait dire ou faire.
Quant aux rapports avec la gauche non communiste, tels que les voit Jacques Fauvel, ils ont été longtemps orageux et peuvent le redevenir facilement. La rupture de 1920 a été bien autre chose qu’un accident : ce fut la constatation d’un profond désaccord sur la réponse à la question posée par Lénine « Que faire ? ». Si les communistes voulaient tuer les conséquences de la première révolution marxiste réussie, les socialistes, eux, redoutaient l’aventure et la rupture avec l’idéal démocratique de Jaurès. Sans doute est-ce pour cette raison que les tentatives unitaires ont eu une origine plus souvent communiste que socialiste. On sait que deux seulement, celles de 1936 et de 1972, ont conduit à des résultats effectifs, dans des circonstances historiques et pour des motifs d’ailleurs entièrement différents. En 1977, le rappel des discussions de 1935-1936 sur l’élaboration d’un programme commun ne manque pas d’intérêt : particulièrement les positions respectives sur les nationalisations, alors souhaitées beaucoup plus nombreuses et plus rapides par les socialistes que par les communistes, ceux-ci étant, pour une fois, soutenus par les radicaux.
D’une manière plus générale, il est bien certain que tout mouvement unitaire poussé a correspondu à une époque de succès pour la gauche. On peut discuter sur le point de savoir si le succès est la cause ou la conséquence de l’union, ou auquel des partenaires celle-ci profite le plus. On peut aussi s’interroger sur la solidité réelle de ce qui est beaucoup plus une alliance d’intérêts qu’un mariage d’amour. Et si mariage il doit y avoir, n’est-il pas déjà menacé par les querelles de ménage qui ne semblent pas se calmer en cette fin d’été 1977 ?
Quoi qu’il en soit, les réflexions et les discussions qui ont lieu depuis quelques années dans tous les états-majors politiques, de la majorité comme de l’opposition – et qui mériteraient d’être le fait d’un grand nombre de citoyens – ne peuvent qu’être éclairées par la masse d’informations apportée par cette remarquable « Histoire du parti communiste français ». ♦