Histoire de France rurale. Vol. 4 : La fin de la France paysanne de 1914 à nos jours
Ce 4e volume clôt une remarquable série qui, tant par son contenu iconographique, statistique et documentaire que par la qualité de ses collaborateurs, la présentation et le complément bibliographique, constitue un ouvrage de référence fondamental. Ouvrage « scientifique », il se lit en fait comme un véritable roman, car on ne soupçonne pas en général la richesse de l’histoire des campagnes françaises, qu’il s’agisse de ses aspects humains, géographiques, économiques, culturels, sociaux ou politiques.
Toutes les grandes étapes de révolution du monde rural sont minutieusement analysées. Après les conséquences démographiques et économiques de la guerre, les auteurs étudient les répercussions des changements sociaux et culturels des Français sur le monde rural (augmentation de la consommation de la viande ou rôle accru des femmes par exemple). Ils analysent ensuite la nature des exploitations qui, de familiales deviennent fréquemment individuelles ; avec la dissolution du « groupe domestique », c’est en effet autour du seul couple que les « fermes » se constituent.
Les aspects idéologiques et culturels ne sont pas négligés. La crise du monde paysan d’où les fêtes traditionnelles disparaissent est subtilement analysée de même que le processus de remise en cause du rôle de l’Église et de l’État. C’est ainsi qu’apparaissent les tendances contestataires du monde agricole, sa syndicalisation, la politisation d’un « sous-prolétariat ignoré » et l’influence successive et respective des grands courants idéologiques et politiques (corporatisme de droite, idéologie agrarienne de Vichy, « jeunes agriculteurs ») ainsi que la nature et l’importance de la « lutte des classes » dans les campagnes.
Face à ce monde complexe, quelle est la politique de l’État ? C’est à cette question qu’est consacrée la dernière partie de l’ouvrage où les auteurs exposent les objectifs de la politique agricole (stabilité politique et sociale), le rôle particulier de l’État entre 1936 et 1958, époque à laquelle on passe de l’ère de la pénurie à celle de l’abondance, peut-être plus difficile encore à gérer.
Enfin, dans le contexte du « capitalisme mondial », les auteurs examinent la situation de l’agriculture française confrontée à la concurrence internationale. Ils font apparaître comment la « France paysanne a perdu la base économique qui faisait son originalité » du fait essentiellement de l’évolution de l’ordre social et de l’abandon d’un comportement traditionnellement conservateur. Enjeu majeur du combat politique au XIXe siècle, la « paysannerie » n’est plus aujourd’hui l’objet des mêmes sollicitudes mais son poids demeure loin d’être négligeable : le problème du droit de la propriété et partant celui du choix du système politique y sont en effet étroitement liés. Le problème de l’unité et de la spécificité du monde paysan demeure irrésolu d’autant plus que tous y aspirent à un mode de vie et à un niveau de revenu analogues à celui des classes moyennes mais que nombreux demeurent ceux que, selon les auteurs, « le système social conduit à être exploité ».
L’ouvrage s’achève sur l’expression de l’espoir « qu’à l’avenir les forces progressistes permettront aux agriculteurs de trouver leur place dans un combat dont la société globale est l’enjeu ». ♦