Pour en finir avec le Moyen-Âge
Érudite et spécialiste affirmée du Moyen-Âge, Régine Pernoud remet en cause les préjugés les plus répandus concernant ces mille ans de notre Histoire, marqués dans l’opinion générale par l’indigence de ses arts, la médiocrité de ses idées et l’archaïsme de ses structures sociales.
Rejetant à juste titre l’idée que ces mille années formeraient un bloc monolithique alors qu’elles peuvent se découper raisonnablement en plusieurs périodes d’une durée semblable à celle qui sépare 1977 de Jeanne d’Arc, l’auteur nous montre d’abord combien ces années-là ont été riches en créations et en connaissances littéraires ou artistiques et pourquoi le système social n’était pas aussi asservissant qu’on l’admet communément. Elle démontre aussi comment l’imitation systématique de l’Antiquité à partir du XVIe siècle a figé, sclérosé, voire fait rétrograder une évolution dans les arts, les lettres et les formes de sociétés, jusque-là beaucoup plus libéraux que les historiens plus récents l’ont cru ou voulu le faire croire. En particulier, Régine Pernoud analyse avec pertinence la situation de la femme dans ce Moyen-Âge tant décrié pour nous montrer que c’est au contraire l’Âge classique qui l’a renvoyée et confinée pour quelques siècles dans des fonctions strictement conjugales et génésiques.
Au passage, l’auteur règle, d’une plume alerte, leurs comptes aux historiens vulgarisateurs de toutes les époques, que n’effraient pas les distorsions historiques, ainsi qu’aux idéologues contemporains qui exploitent et confrontent les clichés établis pour appuyer leurs propres démonstrations. Le livre s’achève d’ailleurs sur une réflexion sur l’Histoire, son enseignement et son profit, réflexion qui doit être méditée par tous ceux qui approchent cette discipline.
En conclusion, Régine Pernoud nous donne ici mieux qu’un plaidoyer : par une démonstration pertinente, elle illustre avec vigueur et conviction que mille années de notre Histoire ne peuvent être traitées en quelques lignes et que cette longue période a connu des hommes et des femmes de toutes conditions qui ont, chacun et chacune à leur mesure, participé à l’évolution des mœurs, au progrès des connaissances et à l’amélioration de la société de leur temps. C’est contre le bon sens et la simple réalité des faits que l’Âge classique et même les Romantiques ont donné à cette époque le nom de Moyen-Âge.
Notre époque a trop tendance à croire qu’avant elle rien n’a existé qui ait quelque valeur morale, intellectuelle ou artistique. Il serait temps qu’elle prenne souci de l’image que pourraient garder d’elle les siècles à venir. ♦