La Troisième République de 1870 à 1918
M. Maurice Reclus, membre de l’Institut, y est entré, semble-t-il, à la faveur d’une série d’ouvrages historiques remarquables, consacrés, tous, à l’histoire de la Troisième République. Nous lui devons de très beaux livres, malheureusement pour la plupart épuisés, sur Jules Favre, Ernest Picard, Raymond Poincaré, Charles Benoist.
Il a préludé à son ouvrage actuel par un avènement de la IIIe République, paru il y a déjà quinze ans. Le livre qu’il vient de publier, sous un format modeste, dans la collection « Connaissance de l’histoire », est la somme de ses recherches et des connaissances que devrait, à notre avis, posséder tout Français cultivé, sur une grande époque trop souvent ignorée, quand elle n’est pas décriée : l’histoire de la République de 1870 à 1918. L’auteur s’est abstenu de considérations générales et de commentaires. En un style alerte, parfois puissant, abondant en médailles et formules bien frappées, il a retracé, dans un récit qui se lit comme un véritable roman, le cours des événements depuis la proclamation de la République, au lendemain de la défaite jusqu’à son triomphe au lendemain de la victoire : la conquête républicaine, la République militante (1879-1889), la République modérée (1889-1902), la République radicale (1902-1914), la République triomphante (1914-1918).
Tels sont les principaux chapitres de son livre. On pourrait reprocher à l’auteur de s’être, à dessein, arrêté sur l’apothéose – éphémère – que constitua le Traité de Versailles. Lui-même déclare que l’histoire de la IIIe République, entre 1870 et 1918, ressemble à un conte de fées, qu’on pourrait la comparer à ces récits éducatifs des livres de lecture courante où la sagesse et l’application finissent toujours par triompher pour l’éducation de la jeunesse studieuse.
Ce n’est pourtant point un panégyrique aveugle. L’auteur ne dissimule point les verrues qui ont souvent menacé de défigurer Marianne, les affaires, les scandales, où sa vertu parut prête à sombrer. Mais à ceux qui ne voudraient voir dans l’histoire de la IIIe République qu’une suite de scandales, il n’a pas de peine à opposer la carrière honorable, parfois prestigieuse, des grands chefs républicains, à commencer par les plus illustres : Gambetta et Jules Ferry. Il se plaît à faire ressortir, justement, la paix intérieure, à souligner l’évolution économique, si pacifique et fructueuse, qui caractérisa cet heureux temps. Il met surtout en pleine lumière ce qui restera, dans l’Histoire, comme les deux mérites essentiels du Gouvernement républicain d’entre les deux premières guerres : la création d’un empire colonial mondial, l’application d’un système de politique extérieure, fondé sur la santé militaire et financière du pays, élaboré avec une habileté consommée par des diplomates auxquels tous Français patriotes ne sauraient que rendre hommage.
« Cessons, s’écrie Maurice Reclus, peu accoutumé aux effusions lyriques, de minimiser cette grande époque de l’histoire de France, cette grande époque tout court ; plaçons-la à son véritable rang, qui est un des premiers à l’échelle nationale. » C’est donc une belle leçon d’optimisme que nous donne l’auteur, car il n’est pas interdit d’espérer que, les mêmes causes produisant les mêmes effets, la Quatrième République ne répare aussi rapidement que la Troisième les ruines d’une passagère défaite et que, comme sa devancière, elle ne rétablisse paix et prospérité par la sagesse politique de ses gouvernements et par le labeur de ses citoyens.