American Empire in Asia?
Le livre que vient de publier sous le titre : Un Empire américain en Asie ? M. Albert Viton, paraît important pour les tendances originales qu’il manifeste. D’après l’auteur, les États-Unis doivent, avant tout, chercher à gagner la guerre ; mais ceci n’est pas suffisant. Les victoires militaires seront vaines si la paix, elle aussi, n’est pas gagnée.
M. Albert Viton soutient la théorie qui ne lui est, d’ailleurs, pas particulière, que l’Amérique sera de plus en plus obligée d’intervenir dans toutes les affaires du monde. Son isolationnisme traditionnel fera de plus en plus la place à une politique universelle et active. C’est à l’Ouest que se produiront surtout, nécessairement dans l’avenir, la pensée et l’activité des Américains.
L’évolution de l’Asie vers une vie plus moderne et plus organisée, qui s’est accentuée surtout dans ces dernières années, recevra du concours américain une impulsion qui peut être décisive. L’Amérique doit intervenir franchement, vigoureusement, dans la constitution de l’Univers, qui donnera des assurances raisonnables de paix future.
L’auteur est nettement opposé au retour pur et simple à l’état de choses antérieur ; il n’hésite pas à déclarer que l’Extrême Orient va entrer dans une ère nouvelle : « Réinstaller, dit-il, les Hollandais, les Français, les Britanniques dans leurs possessions coloniales d’avant-guerre, serait en réalité une véritable carence en face de l’Histoire et en face de la réalité. »
Le moment est venu, dit-il, pour l’Amérique, de pratiquer une politique impérialiste, mais M. Albert Viton, qui proclame, par ailleurs, la fin nécessaire de l’impérialisme européen et l’avènement inéluctable de l’autonomie asiatique, qui veut voir réserver à son pays un rôle de direction dans la constitution d’une Asie démocratique et se gouvernant elle-même, est partisan d’un impérialisme nouveau-style bien américain, fondé, semble-t-il, avant tout, sur la technique et la prospérité matérielle.
L’auteur est d’avis que l’Amérique est idéalement adaptée à la carrière impériale. L’industrie américaine possède la capacité de produire annuellement en faveur des colonies asiatiques, de quoi moderniser leur agriculture, leur industrie, et de créer des emplois pour des millions d’êtres humains. Elle possède des milliers d’éducateurs qui pourront instruire des centaines de milliers d’élèves, là où la Grande-Bretagne et les autres pays européens ne peuvent enseigner qu’à des centaines.
La guerre aura mis les États-Unis en possession de productions de tous types bien supérieures à ce qu’elles étaient en 1939. Que fera l’Amérique de cette capacité de production, une fois que les besoins du Moloch guerrier auront été satisfaits ? C’est l’impérialisme qui fournira une réponse aux questions posées par ce surcroît de production.
Les États-Unis devront, du reste, tourner résolument le dos à une politique « infantile » (celle pratiquée, par exemple, selon l’auteur, par M. Herbert Hoover) et aborder résolument le problème du transfert des biens ou d’autres valeurs entre les nations.
De toute façon, la démocratie américaine ne tolérera plus un système d’économie fasciste qui absorbe le surplus des biens produits en des activités militaires improductives. Elle insistera sur la réduction massive des dépenses militaires et sur une politique consacrée à élever le standard de vie des populations. Cet impérialisme nouveau ne sera pas non plus fondé sur l’argent, car M. Albert Viton, qui a donné plusieurs chapitres de son livre à des revues religieuses telles que The Christian Century, proclame la faillite et la fin de l’impérialisme financier. En ce qui concerne l’Asie, celle-ci a besoin de l’aide et de la direction de l’Amérique démocratique, libérale, progressive. Il lui faut, non plus une seule, mais des douzaines d’organisations analogues à celle de la « Vallée de Tennessee ».