Histoire de la Résistance en France. Tome 4 : octobre 1943-mai 1944
La parution du quatrième et avant-dernier volume de l’Histoire de la Résistance en France montre que ses auteurs sont restés fidèles à leur entreprise et respectueux de la forme choisie. En effet, on pouvait lire dans l’avertissement du premier volume qu’ils souhaitaient faire un tableau aussi complet et richement documenté que possible de la Résistance en France et en évoquer les vicissitudes aussi bien intérieures qu’extérieures.
Les auteurs étaient pourtant conscients de la difficulté de faire l’histoire objective d’événements dans lesquels ils avaient personnellement été engagés et de travailler à une œuvre commune malgré des convictions politiques différentes.
Dans ce quatrième volume qui s’étend d’octobre 1943 à mai 1944, « année décisive », les auteurs font le récit minutieux des opérations militaires des maquisards, des querelles politiques, des frictions entre les Anglo-Saxons et les Français ainsi que la description des différents mouvements de la Résistance et de leurs fonctions en vue de la réorganisation politique de la France, au cours de la période considérée.
Celle-ci est marquée par les massacres d’Ascq, de Habère-Hullin, des Crottes, le sac de Brantôme, les pendaisons de Nîmes et la destruction de l’université de Strasbourg réfugiée à Clermont-Ferrand. Mais c’est aussi la période de l’« action immédiate » (dont H. N. et M. D.-F. expliquent la nécessité), de la bataille de Grenoble, des sabotages, de la naissance des Forces françaises de l’intérieur (FFI) et du Mouvement de libération nationale (MLN), de la révolte des Eysses, du différend de Gaulle-Giraud et de la restructuration du maquis pour ne citer que quelques faits marquants.
Mais tout aussi importantes que les événements sont l’évolution des esprits et l’affirmation progressive des courants politiques. Cet aspect n’est pas négligé. Les auteurs évoquent donc les différences qui existent entre les mouvements de Résistance et l’affrontement des intérêts politiques, bien que l’« essence même du combat mené par la Résistance soit à la fois politique et militaire ». Citant Gaston Déferre selon lequel « la Résistance est un état d’esprit et non pas une doctrine », ils mettent en lumière les divergences qui séparent les résistants au-delà du conflit qui les unit. Tout comme ils dénoncent « la comédie de Pétain », ils dénoncent « la colonisation » des mouvements de Résistance par les communistes « qui cherchent à conquérir la direction de la Résistance ».
Si les auteurs ne cachent donc pas leurs opinions derrière une impossible neutralité, ils ont cependant le mérite de confronter, pour chaque question controversée, les interprétations divergentes. C’est ce qui fait la valeur et « l’objectivité » de l’ouvrage.
Il n’y avait pas, en effet, parmi les récits de la Résistance d’ouvrages aussi complets et bien documentés. Les derniers titres parus : Claude Bourdet, L’Aventure incertaine ; Henri Frenay, Volontaires de la nuit ; Gilles Perrault, La longue traque ; Francis-Louis Closon, Le temps des passions ; suffisent à montrer qu’il s’agissait de témoignages personnels directs et non de descriptions complètes. Henri Nogueres et Marcel Degliame-Fouché qui n’ont pu avoir accès à toutes les sources officielles ont cependant, grâce à des interviews et à de minutieuses recherches, pu faire ce tableau de la Résistance, presque un « journal » et combler de ce fait une grande lacune.
L’on attend donc avec impatience le dernier volume de cet impressionnant travail, aussi utile aux chercheurs et aux historiens que passionnant pour l’amateur. Car on s’aperçoit ici une fois de plus, à quel point l’Histoire n’est pas faite que de grands desseins politiques mais aussi d’aventures individuelles. ♦