Marc Sangnier (1873-1950)
L’étude que Madeleine Barthélémy-Madaule vient de consacrer à Marc Sangnier est la première biographie complète du fondateur du Sillon (du moins si on se réfère à la bibliographie qui figure en fin du volume). La recherche historique tient dans cet ouvrage autant de place que la réflexion philosophique et cette approche nous a paru judicieuse pour évoquer la mémoire d’un homme qui a passionnément cherché, sa vie durant, à concilier en politique l’idéologie et l’action.
Marc Sangnier est issu, du côté maternel, d’une grande bourgeoisie teintée d’aristocratie, ayant quelques attaches monarchistes, et qui a évolué avec le XIXe siècle à travers des milieux de théâtre et de littérature ; du côté paternel, il se rattache à une solide lignée de propriétaires terriens. C’est à une meilleure connaissance de cette « classe » sociale et de son rôle dans l’évolution de la société française à l’orée du XXe siècle que nous convie d’abord Madeleine Barthélémy-Madaule, et cette contribution porte la marque d’un historien connaissant bien son métier.
Cependant, les traditions familiales n’expliquent qu’en partie l’orientation de la pensée de Marc Sangnier. En fait, il est vite apparu comme un contestataire, influencé par des penseurs aussi étrangers à son milieu d’origine que pouvait l’être un Tolstoï, par exemple. Une preuve n’en est-elle pas dans la condamnation du Sillon par le pape Pie X ? Mais, cette contestation s’est révélée politiquement féconde puisqu’elle a donné droit de cité en France au mouvement de la démocratie chrétienne, dont l’essor, sous l’étiquette du Mouvement républicain populaire (MRP), a joué le rôle que l’on sait dans la législation sociale adoptée au lendemain de l’occupation allemande. L’analyse et l’examen des fondements philosophiques de cette doctrine apparaissent, aux côtés de la documentation historique, en contrepoint de l’enquête de Madeleine Barthélémy-Madaule.
On peut se demander à quel degré cette doctrine, et l’ensemble de réflexions et de préoccupations qui lui ont donné naissance et dont elle est le reflet, intéressent encore la jeunesse de notre temps. Les crises de conscience des « élites » bourgeoises de la Belle Époque lui apparaissent sans doute futiles et sans rapport avec le monde actuel et son avenir. N’importe ! Même si elles n’éveillent plus d’échos, les idées de Marc Sangnier font partie – que nous en soyons ou non conscients – de notre patrimoine spirituel et méritaient à ce titre d’être évoquées à l’occasion du centenaire de sa naissance. ♦