Histoire du Japon et des Japonais
Le voyage à Pékin, en 1972, de M. Tanaka, fut interprété comme le signe annonçant le retour du Japon en Asie. Cette année, le tour du monde qu’effectue le Premier ministre, se rendant successivement à Washington, Paris, Londres, Bonn et Moscou, traduit à Tokyo une volonté de donner à la politique étrangère une ampleur nouvelle qui déborde largement du cadre régional. Géographiquement, le Japon fait partie de l’Asie, mais sa position particulière au carrefour des camps socialistes et du « monde Atlantique », la croissance démesurée de son économie, poursuivie jusqu’à présent sans dessein politique, lui confèrent une place particulière, qui échappe aux classifications traditionnelles.
L’auteur, né et élevé au Japon, enseignant à Harvard depuis 1938, a représenté les États-Unis à Tokyo, de 1961 à 1966 ; il s’y est avéré un ambassadeur remarquable. Spécialiste mondialement connu de l’histoire du Japon, il décrit ici l’unification des clans féodaux de la plaine de Yamato (région de Nara), le rôle joué par les institutions chinoises dans la formation de l’État japonais, et met en relief la clairvoyance dont firent preuve les Japonais, au VIe siècle, puis 12 siècles plus tard, au cours de l’ère Meiji, pour introduire dans leur pays les éléments de civilisations étrangères susceptibles de renforcer la cohésion de la population et la puissance de leur pays. Après avoir retracé les étapes de la montée du militarisme dans le Japon d’avant-guerre, il fait un tableau particulièrement fouillé des forces politiques actuelles ; la perte par les Conservateurs de la majorité à la Diète est considérée comme probable au cours de la décennie 1970-1980, ce qui devrait entraîner soit une alliance entre les Conservateurs et le Parti Komei, soit un regroupement des forces du centre.
Depuis 1970, date de la publication de cet ouvrage aux États-Unis, les formations du Centre ont perdu de nombreuses voix au profit du Parti communiste, accentuant la bipolarisation de la vie politique, tandis que la normalisation des relations avec Pékin a ouvert de nouvelles perspectives à la diplomatie japonaise.
Bien que d’excellents ouvrages, publiés récemment en France, permettent maintenant de prendre contact avec la civilisation nippone, si déroutante pour un occidental, l’image du Japon à l’étranger reste encore souvent caricaturale. Aussi la traduction en français du livre remarquable de M. Reischauer vient-elle à propos. Sa lecture, à l’appui de laquelle viennent d’excellentes photos, des tableaux et des graphiques nombreux, une biographie détaillée, devrait contribuer à corriger certaines idées reçues, car, selon l’excellente formule du préfacier, G.B. Sansom, « peu de pays ont été plus étudiés que le Japon, peu aussi ont été plus mal compris ». ♦