What Russia wants [Ce que veut la Russie]
M. Joachim Joesten, auteur de ce livre très suggestif, est un Allemand de Cologne, ancien collaborateur de la Weltbühne, naturalisé citoyen américain, après avoir dû fuir son pays à travers le Danemark, la Suède et la Russie. Il nous donne, en un ouvrage très riche de pensées et de faits, dans lequel il ne cache pas, d’ailleurs, ses sympathies pour la cause russe, ses impressions politiques sur ce que veut l’URSS. Comme le livre a été publié il y a déjà une bonne année, et qu’une grande partie des vues de l’auteur semble se réaliser sous nos yeux même, nous sommes tentés de lui reconnaître une réelle pénétration et largeur de vue politique. La thèse essentielle soutenue par M. Joachim Joesten est que, depuis la dissolution de l’Internationale communiste en mai 1943, qui marque la victoire définitive de Staline sur le trotskysme, la Russie ne veut pas une Europe soviétique ; elle ne veut pas davantage une Europe réactionnaire, un faisceau de fédérations qui l’entoureraient d’un nouveau « cordon sanitaire ». Sincèrement pacifique, elle n’ira pas, de gaîté de cœur, chercher querelle à une coalition anglo-américaine ; ce qu’elle recherche, avant tout, c’est une sécurité, sans laquelle il n’y aura pas de paix durable.
À la lumière de cette doctrine, l’auteur passe en revue les différents problèmes extérieurs qui se posent à l’URSS : celui de l’Allemagne, celui de la Pologne, celui de la Finlande, des Balkans, de la Roumanie et de la Turquie. En ce qui concerne la Roumanie, M. Joesten avoue qu’après tant d’années de misère, d’oppression et de mauvais gouvernement, une révolution bolchevique pourrait bien y naître spontanément, avant que la Russie ait « à allumer la mèche ». L’auteur ne croit pas à une éventualité de guerre entre l’Union soviétique et la Turquie, même pour la question des Détroits ; il ne pense pas, non plus, que la Russie porte atteinte à l’indépendance de l’Iran, pour s’assurer le libre accès du golfe Persique et de l’océan Indien. Mourmansk, les ports d’Estonie et de Lettonie, la réouverture de la Baltique, ouvrant suffisamment la mer libre à l’URSS Enfin, M. Joesten s’est montré bon prophète quand il dit, dans son ouvrage, que la Russie entrera en lutte contre le Japon, qu’elle deviendra la plus grande puissance de l’Asie, comme de l’Europe. Pour terminer, M. Joesten affirme que les États-Unis peuvent « faire affaire » avec Staline. Il avoue que la « Conférence de la paix » n’ira pas sans difficulté, mais qu’elle aboutira définitivement, car la seule alternative possible sera un état permanent d’armement total, dans une atmosphère d’hostilité susceptible d’aboutir à une nouvelle guerre mondiale, encore plus désastreuse.