L’Empire britannique au Commonwealth
Dans quelle mesure la « vocation européenne » de l’Angleterre est-elle une des conséquences de l’évolution du Commonwealth ? La question est d’actualité, comme l’est donc le livre d’Henri Grimal. Celui-ci s’ouvre par une constatation : « L’Empire britannique mit trois cents ans à se constituer, environ trente ans à se dissoudre ». Mais on ne peut se contenter de cette constatation, dont la brutalité ne correspond pas à la réalité : « Plutôt que les termes de croissance, apogée, décadence, celui d’évolution semble convenir à son histoire ». C’est qu’en effet, si les empires se veulent éternels et immuables, s’ils mettent au premier plan ce que Littré appelait l’« autorité souveraine », dans l’Empire britannique l’autorité ne fut jamais une fin, mais un moyen, et le principe de l’évolution n’en fut jamais exclu. La notion d’un corps politique unique, centralisé et dirigé de Londres, n’était pas concevable dans des esprits anglais. Dès le début, les rapports furent d’allégeance plus que d’autorité, dans la mesure où les intérêts économiques métropolitains étaient sauvegardés.
Henri Grimal met en lumière un fait auquel on n’a pas jusqu’ici accordé suffisamment d’importance : « Les Anglais avaient une trop haute idée de la qualité de leurs institutions pour ne pas instinctivement être conduits à les faire adopter par les peuples placés sous leur tutelle, même s’ils admettaient, par référence à leur propre évolution, que la marche devait être très longue. On spéculait sur de nombreuses décennies, voire un siècle. Cette attitude avait la faiblesse de raisonner par rapport au passé, sans tenir compte de l’accélération de l’histoire. L’Empire ne vivait pas en vase clos, les résonances d’un monde en voie de changement rapide s’y firent sentir… » Et c’est ainsi que la décolonisation des « dependencies » intervint « alors que la disparité de puissance entre colonisateur et colonisé, source première de la domination, n’avait pas disparu… Cette disparité donna à la séparation son caractère particulier ».
Henri Grimal projette alors son analyse sur l’actualité, tant il est vrai que l’histoire se projette toujours sur la politique : « Le Commonwealth des nations blanches était à base de sentiment. Dans le nouveau Commonwealth, né en 1949, les nations nouvelles, encore en voie de développement, recherchèrent un soutien économique et une assistance technique de la part de l’ancienne métropole. Ainsi se réalisait ce qui avait été l’idéal des premiers colonisateurs : une influence économique exercée sans l’appui du pouvoir politique ». Mais des forces politiques jouaient, le Commonwealth s’est dégradé… et l’Angleterre, comprenant que l’Union Jack ne flotterait plus sur toutes les parties du monde, a pris conscience de la réalité européenne. Le livre d’Henri Grimal aide grandement à comprendre cette mutation. ♦