L’économie et la société française de 1945 à 1970
Alors que trop souvent les ouvrages d’économie, lorsqu’ils se veulent « sérieux », accordent une place trop importante aux chiffres et aux considérations théoriques, celui du professeur Parodi est parfaitement équilibré : il comporte certes beaucoup de chiffres, de statistiques, de graphiques, mais en illustration et en complément d’un texte clair et substantiel. C’est, à n’en pas douter, un des meilleurs ouvrages parus sur ce sujet. Au surplus, le titre n’est pas trahi : économie et société – ce qui signifie le souci du contexte international, de l’évolution démographique, de la politique gouvernementale, des infrastructures, des impulsions et réactions sociales, etc. Les faits psychologiques ne sont pas négligés. Maurice Parodi accorde même un rôle déterminant à une réaction mentale.
La France avait déjà connu des périodes de croissance rapide : 1850-1870, 1896-1913, 1920-1929. Celle qu’elle connaît depuis 1945 est « la plus régulière, la plus intense et surtout la plus longue ». Pourquoi ? « Le choc considérable provoqué par le deuxième conflit mondial est à l’origine d’un examen de conscience très profond chez de nombreux Français… L’armistice de 1918 nous avait précipités dans la paix avec une mentalité de vainqueurs et des forces de vaincus, d’où ces dangereuses illusions et ces mortelles prétentions de l’entre-deux-guerres… En revanche, l’étrange défaite de 1939 et la longue nuit de l’Occupation introduisent chez nous le doute créateur ; d’où un bouillonnement extraordinaire d’idées… » Cette modification des mentalités à l’égard du progrès économique et social a précédé le renouveau démographique : lorsque la vague démographique bouscule les plans des autorités et des producteurs, « les bases de la renaissance économique française sont déjà très largement en place ».
Maurice Parodi a ordonné ses développements autour de quatre piliers. Il pose d’abord la toile de fond de l’histoire économique et sociale de la France depuis 1945. Puis il décrit et analyse les grands secteurs de l’activité économique du double point de vue de la production et de l’emploi. Dans la troisième partie, il montre que le processus de croissance s’est accompagné de déséquilibres économiques auxquels « nous n’avons, pour l’instant, pas su apporter de solutions valables ou durables ». Enfin, il s’efforce de montrer « que les divers groupes sociaux qui ont subi de profondes modifications structurelles… n’ont pas également bénéficié des fruits de la croissance », ce qui fait des tensions sociales un facteur économique. L’économie ne s’explique pas seulement par des facteurs mesurables, elle reste incompréhensible si l’on ne tient pas compte des comportements humains. ♦