Des courtisans aux partisans. La crise cambodgienne
Les événements d’Extrême-Orient ne peuvent être interprétés ni expliqués suivant la logique du raisonnement occidental ; ils appartiennent à un monde de pensées et de conceptions tellement différentes que le lecteur qui ne connaît pas le Cambodge sera sans doute désemparé et atterré de la description qu’en font les deux auteurs. Celle-ci est certainement discutable, mais elle a le mérite de tenter d’exposer, à partir des données sociologiques et psychologiques locales, les raisons du coup d’État de mars 1970 contre le prince Sihanouk et des comportements divers qu’il a provoqués dans l’intelligentsia et dans la masse paysanne cambodgienne.
Les auteurs constatent et relatent l’extraordinaire talent du prince Sihanouk qui a su, malgré toutes les pressions, garder son pays si longtemps hors de la guerre du Vietnam. Ce long exercice d’équilibre était, selon eux, de toute façon voué à l’échec ; il n’était pas possible qu’entre le Vietnam, le Laos et la Thaïlande, le Cambodge, pauvre, peu peuplé, peu dynamique, pût se contenter de ruser. Mais le choix fait par le gouvernement du général Lon Nol ne correspondait pas pour autant à une aspiration profonde du peuple qui ne demandait que la paix, non plus que les Khmers « rouges » ne pouvaient se targuer d’être majoritaires. Ceux-ci l’auraient pourtant sans doute emporté si l’intervention américaine et sud-vietnamienne ne s’était pas produite. Le tout se déroulant sur un fond de marchandages, de concessions, de tractations complexes où chacun essaie de tirer des choses le plus grand profit personnel.
Le livre est consciencieux, d’une lecture assez sévère qu’une typographie serrée ne facilite pas ; on peut le regretter car il y a certes beaucoup à retenir de ce que les auteurs ont observé. ♦