Journal de Californie
Si la Californie est « l’Amérique de l’Amérique », il doit y être possible d’y déceler les traits de l’évolution de la civilisation américaine, mieux qu’on ne pourrait le faire en aucun autre État. L’auteur, ayant séjourné à l’Université de San Diego, y a observé les formes – ou certaines des formes – de la contestation soulevée par les traditions déjà fortes d’une société de consommation qui se croit triomphante. Sous forme de notes, de réflexions, d’idées présentées le plus souvent à l’état brut, sans souci de rédaction détaillée, et mêlées d’autre part à des observations banales sur ses impressions de voyageur, Edgar Morin suggère bien plus qu’il ne décrit ce qui pourrait être la naissance d’une révolution culturelle américaine.
S’occupant de biologie, très frappé par les idées que Jacques Monod a développées dans son livre sur « le hasard et la nécessité », il montre ce bouillonnement d’où pourrait sortir une vie nouvelle, en faisant implicitement une analogie entre les découvertes de la science et les phénomènes qu’il a pu observer. De ceux-ci, il ne donne aucune dimension ; quel est l’effectif, quel est le pourcentage des jeunes gens et des intellectuels qui mènent une vie en marge de la vie actuellement « normale » ? Il ne le dit pas, ne le calcule point. Ce journal est une suite d’impressions, mais il ne constitue nullement une étude socio-psychologique d’une partie – certainement limitée aujourd’hui mais peut-être déterminante à terme – de la société californienne. Témoignage fragmenté et fragmentaire, donc incomplet aux yeux d’un lecteur avide de précisions et de certitudes, ce livre se lit aisément ; il ne faut pas y chercher plus qu’il n’offre. ♦