La guerre franco-allemande 1870-1871
Cet ouvrage paru en février 1908 n’avait encore jamais été réédité. La préface du Professeur Jean-Baptiste Duroselle et la postface de Mme Rebérioux éclairent cette œuvre au sujet « ponctuel » si peu dans la manière de Jaurès. Elle est née de l’angoisse qu’il avait en 1905-1907 et qu’il ressentait depuis 1898 de la menace d’un nouveau conflit, pour cela il avait le souci de faire la lumière sur les origines de la guerre précédente en démontant ses mécanismes politiques. Pour lui, la France est responsable par excès d’égoïsme national et hostilité à la légitime unité allemande, tout le livre n’est là que pour apporter la preuve de cette « vérité ».
Il est vain de chercher en 1870 le choc de grands intérêts économiques. Jaurès stigmatise l’attitude de Napoléon III qui refuse les États du Sud à la Confédération des États du Nord et s’empêtre dans ses demandes ambitieuses de retour aux frontières naturelles de la France, alors qu’il est incapable d’avoir une armée et des alliances solides. Il stigmatise aussi Thiers qui, avec franchise, estime nécessaire le morcellement de l’Allemagne mais méconnaît le fatalisme historique de son unité. Même les républicains, reconnaît-il avec tristesse, ont poussé à la guerre. Sur le plan des régimes politiques, Jaurès porte donc une réflexion inquiète sur la vie politique française puisque tous les partis ont tenté de s’opposer à l’unité allemande au nom de l’intérêt national. L’intérêt essentiel de son livre réside dans la précision de sa démonstration consacrée à une certaine autonomie du fait politique. Cela peut étonner : à aucun moment Jaurès ne formule même le jeu des classes et des capitaux. Il faut sans doute y voir une raison pédagogique : plus qu’au prolétariat, il s’adresse pour la convaincre à la petite bourgeoisie républicaine qui avec le Parti radical dirige la France depuis 1906.
Ce que l’on peut reprocher à Jaurès, c’est d’avoir trop négligé le problème d’Alsace et de Lorraine qui a été pour les hommes de sa génération le motif essentiel de la Revanche. On peut aussi lui reprocher, ainsi qu’à son préfacier, d’avoir ignoré la stratégie dynamique de Bismarck qui avait besoin d’une série de conflits « limités » (Danemark, Autriche, France) pour faire l’unité de l’Allemagne ; d’avoir aussi ignoré son pangermanisme : le Schleswig fut incorporé contre son gré, les Polonais systématiquement germanisés. La même démonstration lucide peut être faite en sens inverse et toute la responsabilité de la guerre de 1870 rejetée sans nuance sur l’Allemagne. ♦