Les économies socialistes soviétique et européenne
On aimerait que tous les ouvrages d’économie aient la clarté de celui-là et qu’ils donnent comme lui d’emblée au lecteur l’envie d’aller jusqu’au bout de sa lecture. Le souci de clarté est évident dès l’introduction dans laquelle l’auteur, maître assistant à la Faculté de Droit et de Sciences économiques de Paris, définit le terme d’économie socialiste en analysant les critères politiques et économiques qui permettent d’en cerner le concept. Pour M. Lavigne, il n’y a d’économie socialiste que s’il y a propriété socialiste des moyens de production fondamentaux ; ce critère primordial n’exclut pas les critères partiels de définition : prépondérance d’une idéologie d’un parti marxiste, contrôle par les travailleurs de la gestion économique, importance de la planification et des moyens pour atteindre les objectifs d’une « économie de commandement », critères dont aucun à lui seul ne permettrait de faire un partage net entre économie capitaliste et économie socialiste.
À partir de cette définition l’auteur étudie les structures d’encadrement des économies de l’URSS et des pays socialistes d’Europe (y compris la Yougoslavie et l’Albanie), puis les mécanismes de fonctionnement (stratégies de croissance, méthodes de planification, instruments économiques), et elle montre comment le principe de développement planifié impose une définition des objectifs de croissance ; ceux-ci sont atteints par la combinaison des techniques du plan et d’instruments d’intervention empruntés à l’économie du marché, mais utilisés au service du plan. Une dernière partie traite des relations internationales d’abord entre les pays socialistes, puis avec le reste du monde.
M. Lavigne évoque en conclusion les fameuses théories dites de la « convergence », suivant lesquelles économies socialistes et capitalistes tendraient vers un modèle unique : celle de Jan Tinbergen, qui, en réalité, penche pour la « submergence » du socialisme par capitalisation progressive, celle de Raymond Aron et plus récemment celle de John Kenneth Galbraith qui, tout en admettant la similitude progressive des structures des sociétés industrielles n’en soulignent pas moins la divergence politique fondamentale et la situation toute différente des managers dans l’un et l’autre type d’économie. L’auteur a enfin le courage d’aborder la question fondamentale : quel est le meilleur système économique ? Elle y répond avec une objectivité qui ménage la liberté de choix du lecteur.
Comme tous ceux de la collection U, l’ouvrage a le mérite de donner en annexe de chaque chapitre les textes clefs qui s’y rapportent.
Au moment où la coopération économique franco-soviétique prend un pas nouveau, on ne saurait trop recommander à ceux qui veulent connaître et comprendre les économies socialistes, de lire cet ouvrage clair, documenté et, à tous égards, remarquable. ♦