Mémoires
Romancier, biographe, essayiste, conférencier, André Maurois, au cours d’une longue vie qui n’a connu que le succès, a rencontré tous les grands hommes du siècle ; il a participé aux deux guerres mondiales, à la fois comme combattant et comme écrivain chargé de missions souvent délicates d’information près de publics variés qu’animaient des sentiments contradictoires. Il a réuni ailleurs les impressions qu’il a tirées et les témoignages qu’il a pu porter sur les grands événements auxquels il a été mêlé. Mais, tout en voulant, dans cet ouvrage qui paraît trois ans après sa mort, ne donner que le récit de sa vie, celle-ci est si étroitement tissée aux faits, si intimement liée aux hommes, qu’il lui est impossible de la raconter sans raconter aussi ce qu’il a vu, entendu, constaté. Son caractère aimable évite toute polémique et toute contestation ; Maurois cherche toujours dans la vie ce qui peut unir et non ce qui divise. Ayant vécu comme tous les hommes de sa génération de cruels drames de conscience, il a cherché et réussi à les résoudre, non sans lutte intérieure et sans déchirement, mais en gardant de sa première enfance le sentiment du devoir et de l’amour de la patrie.
Ces mémoires sont un acte de réconciliation et de philosophie sereine, après une tourmente qui divisa si profondément les Français et les peuples du monde. On y trouvera la genèse de ses œuvres littéraires, des souvenirs portant sur ses amitiés dans le monde des lettres, en même temps que la résurrection finement évoquée de ses amours d’adolescent et d’homme. Mais ce qui retiendra sans doute davantage nos lecteurs, ce sont les pages qu’il consacre à son action, depuis le temps où il était interprète près de l’armée britannique, pendant la Première Guerre mondiale, jusqu’aux moments tragiques que vécut notre pays au cours de la Seconde, alors qu’il se trouvait aux États-Unis et s’y efforçait d’entraîner l’opinion publique américaine dans la guerre, ou en Afrique du Nord, en Corse et en Italie, près de nos unités combattantes.
Un livre de bonne foi, dont l’aisance du style et l’apparente simplicité de pensée ne doivent pas cacher les angoisses et les incertitudes, et qui couronne heureusement une œuvre littéraire féconde. ♦