La République populaire de Chine. Droit constitutionnel et institutions
L’auteur, Docteur en droit et chargé de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), nous donne là un livre étonnant dont la collection et le titre pourraient faire croire qu’il ne s’adresse qu’aux seuls spécialistes du droit comparé ; en fait, il devrait rendre les plus grands services à ceux qui s’intéressent de près ou de loin aux questions chinoises et aussi aux profanes qui, de plus en plus nombreux, se rendent compte de la place importante que joue et jouera toujours davantage la Chine dans le monde et veulent en savoir davantage sur ce pays méconnu et mal connu.
M. Tsien, en effet, ne se contente pas de nous parler des lois et des institutions. Il nous dit pourquoi elles sont ce qu’elles sont, comment elles le sont devenues, les transformations subies, les résultats obtenus, les polémiques suscitées. Il les place dans leur contexte historique, social et politique ce qui nous vaut des chapitres sur les relations sino-soviétiques, la révolution culturelle, les communes populaires, le tout appuyé sur une bibliographie considérable pour aboutir, en fin de compte, à un tableau extrêmement détaillé de la Chine populaire et de son évolution.
On ne saurait certes reprocher à M. Tsien Tche-hao la sympathie qu’il manifeste pour la Chine, la sympathie étant du reste, comme disait Siegfried, indispensable à qui veut comprendre. On peut cependant regretter qu’elle empêche parfois l’auteur de pousser plus à fond son analyse ou d’émettre des réserves qui, pour d’autres, seraient indispensables. Quand, en parlant du service militaire obligatoire, au lieu d’affirmer seulement que « l’âge de mobilisation et la durée du service n’influent pas sur le développement de la carrière professionnelle, les études ou les projets matrimoniaux des jeunes gens », il aurait pu utilement ajouter que la loi du 30 juillet 1955 fixait la durée du service à 3, 4 ou 5 ans selon les armes, les spécialistes pouvant être maintenus plus longtemps sous les drapeaux, et que l’âge d’incorporation se situe entre 18 et 24 ans.
Certaines vues de M. Tsien peuvent prêter à discussion, par exemple quand il démontre que la destruction du Parti n’a jamais été un objectif de la Révolution culturelle. Il faudrait d’abord s’entendre sur le sens exact des mots destruction et Parti. N’oublions pas qu’au début 1967 Mao Tsé-Toung disait : « avec l’instauration de la Commune (expérience tentée à Shanghaï et qu’il espérait alors voir généralisée) avons-nous encore besoin du Parti ? Je pense que nous en avons encore besoin, car nous devons avoir un noyau dur, qu’il s’appelle le Parti communiste ou que ce soit un parti social-démocratique… En bref nous avons encore besoin d’un parti » (cité par Chang Ch’un-Ch’iao le 24 février 1967). À l’époque il était ouvertement question du remplacement du Parti par un Parti qu’on appelait marxiste ou marxiste-léniniste. Ensuite, quand le morceau s’est révélé trop dur, il a été question de « renouvellement » du Parti, de sa « rénovation ». On ne parle plus maintenant que de sa « reconstruction » (c’est donc qu’il a été « démoli »). Le Parti est encore loin d’assurer la totalité des pouvoirs qu’il détenait avant la révolution culturelle et ses nouveaux Comités provinciaux n’ont pas encore été constitués.
Mais ces remarques n’enlèvent rien à l’intérêt du gros livre de M. Tsien Tche-hao, qui est non seulement un très utile instrument de travail, mais qui a aussi le grand mérite d’être vivant et d’inciter à la réflexion. ♦