La guerre de la puce. Stratégie de la guerre de guérilla
Le titre semble annoncer une œuvre légère, le sous-titre un ouvrage austère. Il s’agit en réalité d’une thèse destinée à prouver que « la guérilla n’a qu’une issue : la révolution, et elle n’a qu’un remède : la paix » ; et l’auteur ajoute : « Certains diront que c’est une capitulation. Dans ce cas, ce serait la capitulation de la force devant la raison, fondée sur la reconnaissance du fait qu’aucun peuple ne peut être maintenu en servitude s’il s’y oppose ».
Le public français est trop habitué aux écrits inspirés par la guerre révolutionnaire pour voir, dans ces phrases de l’auteur américain, autre chose qu’un postulat de principe plus facile à énoncer qu’à appliquer. Il connaît les aspects innombrables de la guérilla, sait parfaitement qu’elle n’est que la manifestation militaire d’une action politique complexe, et présente plusieurs niveaux. Ce que Robert Taber expose sur ces points ne lui apprendra donc pratiquement rien. Mais cet ouvrage a l’intérêt de donner, de l’ensemble des guérillas qui se sont déroulées et se déroulent encore depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, un tableau simplifié mais assez complet. Il montre aussi – et l’idée est plus originale – que la guérilla est devenue le moyen d’action militaire des pays pauvres, que le Tiers-Monde compte en si grand nombre ; par suite, qu’elle est une forme nouvelle de la guerre, appelée non pas à s’éteindre avec la satisfaction du désir d’indépendance des peuples autrefois colonisés, mais à se développer davantage dans l’avenir. Et dans tous les pays, développés ou non, à être l’expression armée des revendications et des luttes d’influence entre partis rivaux. Elle est donc promise à un déchaînement évidemment préjudiciable au développement pacifique des peuples, en face duquel, au-delà des passions, il est indispensable de faire appel à la raison pour le conjurer. À l’affrontement des violences, doit succéder le compromis politique, comme il en advient pratiquement dans le domaine nucléaire.
Il n’est guère de phrase de ce livre assez court qui ne puisse susciter de commentaires favorables ou défavorables, suivant le cas. C’est la preuve que la question est bien au centre des préoccupations de notre époque ; mais la preuve aussi que la solution du problème est beaucoup plus complexe que ne le laisse entendre la thèse soutenue.