Russie : espoirs et craintes
Les impressions de l’auteur, qui rapporte les conversations et les observations faites au cours d’un séjour en Russie soviétique en 1967, sont très différentes de celles que tant d’autres écrivains occidentaux ont fait connaître au cours des précédentes années. La Russie est un pays riche, où la population vit dans des conditions de plus en plus satisfaisantes, se rapprochant de celles que nous connaissons dans nos pays de l’Ouest. Un grand souffle patriotique anime l’opinion des hommes de la rue. S’ils ne croient guère à l’avènement prochain d’un paradis terrestre communiste dont les dirigeants, depuis le départ de M. Khrouchtchev, ont renoncé à leur faire miroiter le charme, du moins ont-ils confiance dans l’avenir. Cependant, les intellectuels sont de plus en plus impatients de secouer le joug très lourd d’une bureaucratie toujours tatillonne et multiple. Et tout irait bien si la liberté de pensée était respectée.
Cette dernière restriction assombrit évidemment le tableau dans l’ensemble très favorable qu’Alexander Werth avait tracé de son ancien pays. On pourrait dire qu’elle remet en question ses descriptions et ses affirmations. Écrit avant les événements de 1968 en Tchécoslovaquie, ce livre en tient compte cependant dans quelques passages qui ont été insérés dans le texte initial. L’affaire tchécoslovaque est venue brutalement interrompre le rêve d’une détente intérieure, d’un retour ou d’une accession à une vie normale et équilibrée ; aux « timides espoirs » que faisait naître l’évolution du communisme soviétique, ont brusquement succédé les « craintes » d’une réapparition de méthodes autoritaires et brutales.
Témoignage intéressant d’un homme qui a voulu donner de la Russie actuelle une image nouvelle, cet ouvrage, d’une lecture aisée, a le mérite d’une grande sincérité.