Brest et sa bourgeoisie sous la Monarchie de Juillet
Le texte du journal d’un bourgeois de Brest, tenu pendant la monarchie de Juillet, nous a paru d’un mince intérêt. Mais il a servi de prétexte ou d’occasion à Yves Le Gallo pour étudier de façon minutieuse la sociologie de cette ville perdue, à l’époque, au fond du Far West français. Il est bon de se pencher parfois au microscope sur des cas particuliers. Ainsi, cette description de Brest, dont l’existence devait tout à la Marine, est-elle riche d’enseignements. L’auteur les dispense d’agréable façon, sans pédantisme, avec humour – un humour que ceux de nos lecteurs qui connaissent Brest apprécieront certainement. Pourtant, la ville actuelle est fort différente de celle qui nous est présentée ; mais il reste encore des traces du passé, dans les petits faits que l’auteur n’a pas craint de consigner.
Sous la monarchie de Juillet, Brest était une véritable colonie française au bout de la Bretagne, îlot linguistique dans un pays où la langue bretonne dominait, à la population bourgeoise formée en grande partie d’immigrés venus des autres provinces de France et appelés en Bretagne par leur métier et leurs affaires ; îlot jacobin ou tout au moins d’idées libérales avancées, faisant tache, par son anticléricalisme, sur le fond religieux breton, et dans lequel l’opposition se manifestait envers les autorités monarchiques, dans une nostalgie confuse de la République et de l’Empire. La Marine y avait ses écoles, souvent en révolte ouverte, le pays y entretenait un bagne, dans des conditions également déplorables. Mais les jeunes officiers de Marine, s’ils n’apprenaient pas grand-chose pendant leurs études, se préparaient pourtant à devenir des hommes instruits par leur métier même et par le goût qu’ils montraient, au cours de leur carrière, pour les disciplines les plus diverses. Formant une classe bourgeoise relativement à l’aise dans un milieu social pauvre, ils se distinguaient des bourgeois civils par leur importance locale et par les larges contacts que leurs voyages leur permettaient d’avoir avec le monde. Et le port de guerre était alors, avec celui de Toulon, la première entreprise industrielle de France. Les ouvriers et employés étaient tous du pays. Leurs enfants et petits-enfants connaîtront plus tard une rapide promotion sociale, comme le montrent les tableaux comparatifs entre la société d’alors et celle des récentes années.
Le travail d’Yves Le Gallo est étayé de notes nombreuses et d’une abondante documentation, et nous avons trouvé à sa lecture un très grand intérêt. ♦