Cinquante Vietnam
Le début de ce livre qui s’ouvre sur l’horreur des bombardements au Nord-Vietnam, accomplis avec conscience professionnelle et perfection technique, risque de donner à penser à tort au lecteur que le livre de Jean-Marie Carzou est maintenant dépassé par les négociations ouvertes à Paris depuis mai 1968. Il n’en est rien, en fait, car le propos de l’auteur est de nous ouvrir les yeux sur les dangers qui nous menacent si, comme l’a souhaité le leader noir Stokely Carmichael, les États-Unis venaient à être broyés par cet engrenage fatal de la violence, décrit et analysé ici, et dont la nocivité serait multipliée par Cinquante Vietnam.
Il est aberrant que certains partis, qu’ils soient de droite ou de gauche, puissent donner dans ce piège et en arrivent à désirer plus ou moins ouvertement le choc sino-américain. Au lieu de souhaiter l’impossible victoire militaire des Américains au Vietnam ou au contraire de les condamner comme des criminels, cherchons plutôt à comprendre comment s’est monté et comment s’est engrené ce terrible processus de la violence.
Ne souhaitons pas la défaite des États-Unis, mais au contraire saluons tout geste de paix de leur part comme une victoire de la raison dont ils n’ont pas à rougir. C’était bien le sens du discours de Pnom-Penh : le chemin de la paix ne pouvait être ouvert que par des gestes américains de bonne volonté. L’événement a donné raison au général de Gaulle.
L’auteur fustige ceux qui, se disant de gauche, condamnent sans appel les États-Unis, mais dont le courage ne va pas au-delà de discours sans aucun risque et qui, enfermés dans leurs stéréotypes et dans le système de pensée d’un parti, se gardent bien de dénoncer les violences adverses de l’URSS.
Redoutons que de telles aberrations de jugement n’en viennent, sous le prétexte de voler verbalement au secours des opprimés, à contribuer à la ruine d’une démocratie indispensable à l’équilibre actuel du monde et à la liberté dont nous jouissons.
Ceux qui ont choisi leur camp une fois pour toutes et sont résignés à la partition manichéiste et à l’incompréhension fatale qu’elle implique, récuseront sans doute le témoignage passionné de Jean-Marie Carzou, mais nul homme de bonne volonté ne niera que sa lecture donne à méditer sur les raisons de la montée de la violence dans le monde et sur l’attitude qui s’impose comme un devoir à chacun de nous à l’égard de ce grave problème. ♦