Soldats perdus
Paru aux États-Unis en 1965, ce livre raconte l’histoire de l’Armée française depuis la fin de la dernière guerre et tente d’expliquer comment et pourquoi certains éléments en sont venus à se rebeller contre le pouvoir. Il faut d’abord rendre hommage à la clarté avec laquelle l’auteur conduit ses analyses. Celles-ci, peut-être, paraîtront parfois bien longues à un lecteur français qui connaît l’essentiel de la question. Mais l’ouvrage était destiné au public américain, évidemment moins informé.
« Le présent ouvrage, écrit l’auteur, ne saurait être considéré comme une apologie des actes sur lesquels l’histoire a déjà rendu un jugement sévère ou comme une tentative de figer les événements dans le cadre rigide d’une analyse de science politique ». Il ne viendra certainement pas à l’idée du lecteur de reprocher à l’auteur ce dont celui-ci se défend. Son livre est objectif, dans l’ensemble juste, bien que chacun soit fatalement amené à juger suivant ses propres réactions ou ses propres souvenirs.
On attachera plus d’importance, sans doute, aux réflexions que les événements qu’il décrit et commente inspire à George Armstrong Kelly qu’au récit d’une histoire douloureuse et connue. Nous voudrions citer parmi d’autres celle-ci : « L’un des problèmes d’organisation les plus cruciaux de notre temps semble résider dans la création de structures répondant efficacement aux exigences de la défense nationale tout en se situant dans le cadre de l’État bureaucratique.
Les responsables militaires ont été les premiers à prendre conscience de ce problème. Il est d’ailleurs probable, si la guerre froide continue, qu’un réajustement des relations structurelles entre civils et militaires sera nécessaire : mais il est bien difficile de prévoir les formes qu’il prendra s’il veut rester compatible avec les valeurs toujours indispensables du passé ».
Ces lignes indiquent suffisamment, nous semble-t-il, le ton et le niveau des réflexions que le lecteur français peut faire en lisant cet ouvrage, où rayonne par ailleurs une sympathie vraie pour notre pays.